« Non à Hectar, oui à l’enseignement public » : une cinquantaine de personnes ont manifesté mardi 29 mars 2022 à l’appel d’une intersyndicale constituée de 14 syndicats et associations de l’enseignement agricole devant le « campus agricole » Hectar, dans les Yvelines, pour interpeller les candidats à la présidentielle sur la privatisation de l’enseignement agricole. Les manifestants se sont ensuite rendus sur le parvis de la Défense pour débattre du futur de l’enseignement agricole public et de sujets en lien avec l’agriculture et l’alimentation de demain.
L’école Hectar assimilée à une « coquille vide »
Présenté comme le « plus grand campus agricole du monde », le domaine de la Boissière est un ensemble de plus de 600 hectares au sein de la vallée de Chevreuse (Yvelines). Il a été acheté en 2019 à 51 % par Audrey Bourolleau et à 49 % par la holding personnelle de Xavier Niel, fondateur et principal actionnaire du groupe de télécoms Iliad (Free). Ex-conseillère d’Emmanuel Macron à l’Elysée, Audrey Bourolleau participe activement à sa campagne sur les questions d’agriculture et d’alimentation.
Interrogé par La France Agricole, Frédéric Chassagnette, cosecrétaire général du syndicat Snetap-FSU (1), explique qu’« Hectar est le symbole de ce quinquennat ». L’enseignement agricole est devenu le siège d’une « marchandisation » importante où « chacun peut monter son école sans aucune contrainte réglementaire », ajoute-t-il.
Sous les drapeaux de leurs différents syndicats, les manifestants dénoncent donc « l’opacité » d’Hectar, y voyant une « coquille vide » qui ne délivre ni diplôme ni formation qualifiante, tout en pouvant prétendre aux fonds de la formation professionnelle. « Leurs formations sont hors contrat et n’ont jamais été présentées devant aucune instance de l’enseignement agricole », affirme Olivier Bleunven, secrétaire général adjoint du Snetap-FSU.
Ils reprochent aussi le type d’enseignement dispensé par Hectar : « Ils mettent de la distance avec le vivant et la nature en utilisant la technologie (en particulier l’intelligence artificielle), ce qui va à l’encontre de ce que souhaite la nouvelle génération d’agriculteurs. Ce n’est pas la bonne orientation », estime Frédéric Chassagnette.
Une manifestation avait déjà été organisée devant l’école en juin 2021.
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Une initiative privée
Le ministère de l’Agriculture n’a pas souhaité faire de commentaire. Cependant, le ministre Julien Denormandie avait estimé en juin 2021, devant des sénateurs, que cette initiative ne mettait « pas à mal l’enseignement agricole du ministère, qui est extrêmement fort ».
De son côté, la porte-parole d’Hectar, Valérie Fuchs, répond que ce campus « ne marche pas sur le terrain historique » de l’enseignement agricole, puisque « ce n’est pas une école ».
Avec une capacité d’accueil de « 2 000 personnes par an », il s’agit d’« un campus hybride sur lequel il y a des start-ups, des codeurs et développeurs, des apprenants — adultes ou jeunes adultes — qui viennent en tant qu’entrepreneurs pour valider des projets professionnels », ajoute-t-elle.
« On ne dispense pas de formation technique agricole. On ne remplace personne, on ne concurrence personne, on ne donne de leçons à personne, on propose autre chose », insiste la porte-parole d’Hectar.

(1) Syndicat national de l’enseignement technique agricole public et Fédération syndicale unitaire.