«Plus on s’approche de l’optimum technique, moins l’azote est valorisé, souligne Grégory Véricel, d’Arvalis. Dans certaines situations, le gain de rendement obtenu grâce à l’azote n’est pas forcément justifié d’un point de vue économique. » Bien que les cours des céréales soient au plus haut, une baisse de rendement n’est ainsi pas nécessairement synonyme de perte de marge.
Lecture prudente
Pour donner des éléments de réflexion personnalisables en fonction de sa situation, Arvalis a publié le tableau ci-dessous concernant le blé. Compilant des courbes de réponses issues de plus de 600 essais, il donne l’écart entre la dose d’azote à apporter pour maximiser le rendement et celle qui correspond à l’optimum technico-économique. La zone orangée représente les situations où il est préférable de baisser la dose pour ne pas pénaliser la marge.
Par exemple, pour de l’azote acheté en moyenne 2 €/kgN et un blé valorisé à 240 €/t, ce document suggère que la quantité peut être réduite de 20 unités par rapport à la quantité optimale d’un point de vue strictement technique. « Il faut être prudent lors de la lecture de cette matrice », avise Grégory Véricel. Cette dernière ne tient pas compte de l’impact économique d’une diminution de teneur en protéines dans les grains. « Il faut prendre en compte l’agronomie pour ne pas pénaliser la qualité » (lire pages 48-49). Ces préconisations sont, par ailleurs, basées sur un schéma de fertilisation particulier : dose modérée au tallage (environ 40 unités), un apport variable à épi 1 cm, et un troisième à dernière feuille étalée (environ 40 unités). « Si on s’écarte de ce principe, les données sont moins certaines », souligne-t-il. Selon David Leduc, de la chambre d’agriculture Pays de la Loire, « la baisse des prix des engrais n’est pas à l’horizon. Nous avons tendance à être prudents et à préconiser de limiter les utilisations et les objectifs de rendement pour garder un peu de stock. »
Raisonnement à ajuster
Le schéma de raisonnement est assez similaire pour les autres céréales, en adaptant les besoins unitaires et les enjeux de qualité, d’autant plus importants pour le blé améliorant, le blé dur ou l’orge brassicole. Prix d’achat des engrais, niveau de couverture, volumes dont le prix est déjà fixé… Le raisonnement se fait au cas par cas.
Certains agriculteurs ont choisi de changer leur assolement pour économiser de l’azote à l’échelle de l’exploitation : semis de protéagineux, de tournesol (lire le témoignage ci-contre), substitution d’un blé par une orge de printemps… S’il y a globalement un intérêt à diversifier les cultures, Grégory Véricel alerte sur les débouchés. Il déconseille aussi de prioriser la fertilisation d’une culture par rapport à une autre.
« En complément cette année, nous insistons sur les outils d’aide à la décision, surtout les reliquats de sortie d’hiver (RSH), appuie David Leduc. C’est un des fondamentaux de la campagne. » Un point confirmé par Cécile Fraysse, de la chambre d’agriculture du Tarn, qui conseille de « soigner le bilan azoté. »
Date, nombre d’échantillons, conservation… Sur les RSH, Grégory Véricel ajoute que « les préconisations techniques d’Arvalis restent les mêmes, mais prennent plus d’importance dans le contexte économique. » L’institut insiste sur l’intérêt d’aller prélever du sol en profondeur (jusqu’à 120 cm si la situation le permet), sans quoi des « quantités d’azote qui peuvent être très importantes » pourraient ne pas être prises en compte, indique l’expert. Lorsque les hivers sont plutôt secs, l’élément reste assez concentré en surface. Mais « nous sommes dans une tendance plus humide, ce qui laisse penser que l’azote pourrait être présent plus en profondeur ». La météo des prochaines semaines confirmera ou non cette hypothèse, très variable d’un secteur à un autre.
Il serait également opportun de viser les parcelles avec un précédent riche, un historique particulier ou une conduite nouvelle.