Après la ruée vers l’or en Amérique du Nord dans les années 1850, va-t-on vivre la ruée vers l’or jaune des céréales et du soja en Russie dans les dix prochaines années ? Curieux parallèle avec des concessions offertes aux colons outre-Atlantique il y a cent soixante-dix ans, alors que Vladimir Poutine propose, depuis 2016, un hectare gratuit à tout citoyen souhaitant s’installer en Sibérie.

Une zone stratégique

Baptisé « Un hectare en Extrême-Orient », ce projet a pour objectif de peupler cette région grande comme dix fois la France, mais dix fois moins habitée, pour y développer des activités économiques florissantes. Tourisme, agriculture, commerce… Tous les business sont les bienvenus. L’opération doit s’achever en 2035.

 

Pour participer, les candidats à l’agriculture s’engagent à mettre en valeur les terres confiées pendant cinq ans. S’ils démontrent que leur exploitation est viable, elles leur appartiendront définitivement. Les intéressés peuvent s’associer, afin de cumuler jusqu’à 10 hectares. « Venir en Sibérie, c’est la chance d’une nouvelle vie pour toute ma famille », sourit Oleg Goztiouknine, qui s’est vu attribuer 9 hectares en 2020.

« Repeupler des terres désertes »

« Cela va permettre de repeupler des terres désertes et récompenser l’esprit d’entreprise, tout en fixant les résidents », estime Vassili Ousoltsev, premier vice-gouverneur de la région du Primorié, dans l’Extrême-Orient russe. Pour l’instant, sur les 200 millions d’hectares disponibles, 76 000 ont été attribués dans les onze régions du district fédéral extrême-oriental.

 

Côté agricole, on s’attend à 4,3 millions de km² de terres arables en plus d’ici à quelques années, d’autant plus que la Sibérie a enregistré en 2020 le printemps-été le plus chaud de son histoire : jusqu’à 38 °C en juin. L’impact sur la production de céréales, le blé en particulier, sera considérable. Mais aussi en soja, dont la Russie a déjà multiplié par dix-huit la production en dix ans, en devenant le septième producteur mondial en 2020-2021.

La Chine intéressée

Dans la Chine voisine, les autorités se réjouissent. En témoignent les quelque 400 000 ha de terres achetées ou louées dans cette zone pour y faire pousser du soja, selon la BBC russian. En développant cette précieuse légumineuse à proximité, Pékin pourrait trouver une alternative à sa dépendance avec les États-Unis ou le Brésil.

 

Tout n’est cependant pas encore gagné. Outre la fonte du permafrost, le réchauffement climatique a provoqué des incendies dus à la sécheresse, des déséquilibres dans les écosystèmes et des invasions de ravageurs inédites.

 

Si le réchauffement des terres se poursuit et si les hectares espérés deviennent exploitables, la Russie multiplierait son potentiel de production. Selon le magazine World-Grain, le soja cultivé dans ces nouvelles régions servirait essentiellement à la filière domestique de nutrition animale, et à fournir le voisin chinois. En revanche, les céréales pourraient inonder le marché international.

Christophe Dequidt