Qu’appelle-t-on la maladie du poumon du fermier ?

C’est un ensemble de symptômes respiratoires qu’on rencontre dans les régions où il y a de l’élevage, de la pluie et où on stocke le foin dans des espaces fermés. Traditionnellement en France, on trouve cette maladie dans des régions comme l’Auvergne, la Bretagne, la Savoie ou la Franche-Comté.

On peut aussi la voir dans les élevages de volailles ou de porcs partout en France. Cette maladie est provoquée par une réaction immunoallergique aux poussières agricoles qui irritent les bronchioles puis qui provoquent une inflammation des bronches. En langage médical, elle s’appelle « pneumopathie d’hypersensibilité ».

D’autres maladies lui sont-elles apparentées ?

L’activité agricole expose à divers troubles respiratoires. Outre les pneumopathies d’hypersensibilité dont on vient de parler, on rencontre des broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) et des asthmes allergiques ou non.

Je vous donne un chiffre pour se rendre compte de la spécificité des maladies respiratoires dans le monde agricole : à tabagisme égal, le risque de BPCO est deux fois plus élevé que dans la population générale chez les travailleurs des élevages laitiers en Franche-Comté ou encore dans les élevages de volailles ou de porcs.

Et puis on rencontre des maladies plus spectaculaires comme la fièvre des silos, c’est-à-dire des accidents aigus après le nettoyage de greniers ou de silos.

Les maladies respiratoires sont-elles fréquentes chez les travailleurs agricoles ?

Si une maladie porte un nom tel que la maladie du poumon du fermier, ça indique déjà qu’elle n’est pas anodine dans le milieu. Mais c’est une maladie chronique que les travailleurs agricoles ont tendance à laisser traîner.

Ce qui fait que, en France, cette maladie est sous-diagnostiquée. Toutefois, les études internationales montrent que 5 % à 10 % des travailleurs agricoles sont atteints par des pathologies pulmonaires agricoles.

D’autres métiers sont-ils touchés ?

Ce sont des maladies assez typiques du monde agricole et de l’élevage. Mais les soudeurs, les maçons paysagistes qui tronçonnent le granit riche en silice, les scieurs soumis à la poussière de bois, les fromagers, les frotteurs de saucisson sont également victimes de pathologies respiratoires.

Quels sont les facteurs de risque de ces maladies respiratoires ?

Clairement, ces maladies respiratoires sont dues aux contaminants présents dans l’atmosphère de certains types d’exploitations : les poussières végétales, les micro-organismes (moisissures, bactéries…), les protéines et les squames animales, les acariens ou les insectes, et les produits toxiques.

Chaque contaminant provoque des troubles différents. Le type et la quantité de contaminants sont variables en fonction des secteurs agricoles. Cela explique la fréquence variable des pathologies selon les secteurs.

Par exemple, en production laitière, il existe une exposition importante aux micro-organismes fongiques et bactériens, qui génèrent des pneumopathies d’hypersensibilité, alors qu’on ne rencontre presque jamais ce symptôme en élevage porcin où il y a surtout des bactéries et des gaz (ammoniac principalement).

Comment diminuer les facteurs de risque ?

La prévention primaire est délicate : les poussières sont mauvaises, mais ce n’est pas parce qu’on présente des symptômes qu’il faut envisager systématiquement d’arrêter le métier. Comme toujours dans le domaine de la prévention, il faut séparer le danger et l’exposition. Le danger, ce sont les poussières.

Pour les supprimer, il faudrait arrêter les fourrages et ce n’est pas raisonnable en pratique. Limiter l’exposition est déjà plus accessible. Pour ce faire, on distingue une prévention collective d’une prévention individuelle.

La prévention collective consiste à tenir compte de ce risque dans l’organisation du travail ou des bâtiments aérés et des ventilateurs extracteurs, ou dans le choix d’outils moins générateurs de poussières (à l’inverse des pailleuses, par exemple).

La prévention individuelle réside principalement dans le port de masques de classe 2 (P2 ou FFP2) contre les poussières ou de masques avec des filtres anti-gaz, contre les gaz et les vapeurs.

Les maladies respiratoires s’écrivent-elles dans le document unique d’évaluation des risques ?

Absolument ! Les maladies respiratoires sont inscrites sur le tableau des maladies professionnelles agricoles. L’existence de leur risque et des actions à mettre en œuvre doit être écrite dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

À cette occasion, l’employeur et le salarié peuvent envisager une adaptation du travail à ce risque, comme éloigner du lieu du stockage du foin le travailleur, exploitant ou salarié, qui tousse déjà. Et donc réorganiser le travail avec cette contrainte.

C’est aussi sur le DUERP que l’employeur peut indiquer qu’il fournit des masques efficaces contre les poussières ou les gaz.

À partir de quand l’exploitant ou le salarié agricole doit-il voir un médecin ?

Tout travailleur agricole, exploitant ou salarié, qui tousse, qui siffle la nuit ou qui crache, qui est fatigué, qui maigrit devrait absolument avoir une épreuve respiratoire, un examen qui permet de connaître les capacités pulmonaires et de voir son évolution tout au long de la vie, a fortiori s’il n’est pas fumeur.

Propos recueillis par Éric Young

Réseau Repran : Réseau pathologies respiratoires agricoles national