Les cinq syndicats de salariés de la production agricole ont signifié à la FNSEA leur accord pour signer la première convention collective nationale de l’histoire du secteur. Le gouvernement est désormais en charge de le valider. Les délais administratifs pourraient rendre ce texte applicable dès le 1er janvier 2021. Ce texte changera un certain nombre de points particuliers (travail de nuit, congés pour événements exceptionnels, etc.) qui seront précisés lors de son homologation officielle, mais on sait déjà qu’il changera principalement la grille des salaires minimaux.

En revanche, il ne modifiera pas les 32 accords thématiques qui existent déjà au sujet du temps de travail, du financement de la formation des salariés (Ocapiat), etc. L’existence de la convention collective nationale transformera les 140 précédentes conventions collectives locales qui deviendront des accords territoriaux autonomes étendus. Ils seront opposables en droit. Toutefois, ils devront intégrer les dispositions de la nouvelle convention collective nationale et résoudre des questions qui ne sont pas abordées par celle-ci comme, par exemple, le niveau des primes d’ancienneté ou le remboursement des déplacements. Les instances paritaires locales, comme les CPHSCT (hygiène et sécurité) resteront en place et seront les garantes du dialogue social territorial.

Une nouvelle grille de salaires

Le principal changement concret induit par la création de la convention collective nationale se situe dans la grille des salaires minimaux. Celle-ci s’appliquera à chaque salarié de la production agricole. Chaque employeur devra déterminer le niveau auquel se situe chaque salarié. Il ne pourra pas le faire comme bon lui semble. Sinon, le salarié serait en droit de contester son classement devant la justice. L’employeur devra justifier son choix en suivant la méthode et les critères écrits dans la convention collective nationale.

Les conventions collectives plus anciennes déterminent habituellement le niveau des salariés par leur dextérité technique dans le métier. Ce ne sera pas le cas avec celle de la production agricole. L’employeur devra examiner le degré de compétence du salarié dans cinq critères qui correspondent aux compétences, plus complexes que la seule dextérité professionnelle, exercées dans chaque métier :

  • Technicité ;
  • Responsabilité ;
  • Management ;
  • Relationnel ;
  • Autonomie.

Dans chaque critère, cinq degrés d’évaluation mesurent la maîtrise du salarié. Comme les degrés sont expliqués dans la convention collective, et donc opposables en cas de désaccord, il ne faut pas les remplir à la légère. L’addition des degrés (dont les poids ne sont pas les mêmes au sein de chaque critère) détermine la place du salarié dans la grille de salaire minimum.

L’évaluation unanime des partenaires sociaux estime que les deux tiers des situations salariales ne devraient pas être modifiées par cette nouvelle grille, soit qu’elles sont déjà au niveau futur, soit qu’elles y sont supérieures. Mais un tiers d’entre elles pourraient voir le salaire minimal augmenter en 2021.

Dialogue social dans l’entreprise

L’intérêt de cette nouvelle grille organisée autour de cinq critères est de renouveler le dialogue social au sein des exploitations. Chaque employeur sera amené à tenir un entretien avec chacun de ses salariés pour lui expliquer le changement de grille et justifier son classement dans chaque critère.

Bien sûr, lui-même devra au préalable avoir bien saisi la mécanique et les conséquences de ses choix (en termes de salaire mais aussi de responsabilité si ses choix venaient à être contestés en justice prud’homale par un salarié). Les partenaires sociaux réfléchissent à établir une politique pédagogique pour accompagner les exploitants pour la mise en œuvre de cette nouvelle convention collective.

Éric Young