Soline Lagneau exploite une ferme de 218 ha dans la région de la Loupe (Eure-et-Loir). Sa ferme a toujours employé des salariés jusqu’en 2016 où son modèle de céréalier-élevage ne peut plus soutenir l’emploi de son salarié cadre. Après un licenciement économique, elle opte pour le travail à façon. Mais elle reste convaincue que le gisement d’emploi agricole n’est pas assez mis en avant sur le territoire. Fort de son engagement sur le sujet à la chambre d’agriculture de son département, elle vient de mettre en œuvre un recrutement territorial collectif spécifique à l’agriculture.
Une gestion prévisionnelle des emplois
La genèse du projet commence en 2019 et s’est menée en naviguant entre les gouttes de la crise sanitaire du Covid-19. La chambre d’agriculture se rapproche de la maison de l’emploi de la région de Chartres, la préfecture du département. Elle fait part de la difficulté du secteur agricole à recruter, aussi bien dans les exploitations que dans les entreprises.
Sébastien Odon, chef de projet pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales à la Maison de l’emploi, le bras armé des ressources humaines de l’agglomération où Soline Lagneau représente la chambre d’agriculture, se souvient : « Nous sommes habitués à ces demandes. Elles viennent aussi des autres filières. Nous nous sommes donc mis autour de la table pour construire un projet pour l’emploi agricole sur le territoire. Il se traduit par un projet d’attractivité des métiers agricoles en montrant leur diversité et en mettant en avant les besoins. Nous l’avons concentré dans une semaine pour l’emploi agricole dans l’agglomération. »
Attirer les futurs candidats
Cette semaine se décline en trois points. D’abord, les agriculteurs ouvrent leurs portes durant une semaine pour montrer la réalité du métier. Des partenariats avaient été trouvés avec l’Afpa pour recruter des visiteurs mais les contraintes liées à la lutte contre le Covid-19 ont perturbé les déplacements en car.
Le deuxième point consistait à réunir pendant une journée tous les intervenants locaux de l’économie agricole (chambre d’agriculture, coopérative, lycée agricole, etc.) et de l’emploi (demandeurs d’emploi, conseillers de Pôle Emploi…) pour élaborer un plan stratégique pluriannuel pour l’emploi agricole local.
« Les mutations de l’agriculture vont s’accélérer et avec elles les besoins en emploi. On s’est dit qu’il fallait s’emparer du dossier maintenant, sinon on va se retrouver devant des problèmes de recrutement encore plus grand dans trois ans », explique Sébastien Odon. « L’idée est de faire aboutir une sorte de pôle de compétences de l’emploi agricole dans le territoire », reprend Soline Lagneau.
Enfin, le troisième temps est celui qui est le plus visible pour le grand public : un forum du recrutement sur une des places de la ville de Chartres durant deux jours. Pour les agriculteurs, c’est le moyen de montrer la diversité des métiers, de lutter contre les idées reçues sur les métiers agricoles, de proposer des postes et de rencontrer des candidats. En deux jours, environ 500 visiteurs sont passés sur le forum.
« Maintenant, la solution n’est pas de faire son recrutement seul dans son coin. Ce n’est pas la question de se voler les compétences. On a au contraire intérêt à se mettre ensemble et à fonctionner en transversalité. L’enjeu, c’est la vie d’un pays et du dynamisme agricole. Dépenser chacun une petite énergie, l’une à côté de l’autre, c’est comme ça qu’on montre la force de cette entreprise qu’est l’agriculture », milite Soline Lagneau.
Mise en réseau des acteurs
L’opération sera répétée tous les ans mais les partenaires ne s’interdisent pas de prolonger ce rapprochement par d’autres opérations. « Non seulement cette opération assure une visibilité du secteur mais, à mes yeux, une réussite majeure de ce travail, c’est la mise en réseau des acteurs pour obtenir une force de recrutement sur le territoire », conclut Sébastien Odon.
« Si on veut, on peut voir l’agriculture du département comme une grande entreprise qui recrute massivement. On doit le faire savoir », estime Soline Lagneau. Dans le département de l’Eure-et-Loir, les 1 300 agriculteurs employeurs, essentiellement en polyculture, embauchent 1 500 salariés permanents à temps plein notamment pour la conduite des engins agricoles, le suivi des cultures, l’irrigation et l’entretien des bâtiments.
Chaque année, la production agricole signe cinq mille contrats, essentiellement à durée déterminée. La chambre d’agriculture gère une bourse permanente de l’emploi agricole, Accès-centre, pour faciliter l’emploi qualifié.