L'ancien ministre de l'Agriculture et désormais député de la Manche, Stéphane Travert, a consacré l'essentiel de son rapport sur le budget de l'Agriculture à la question du service de remplacement. Il l'a présenté le 11 octobre 2022 devant la commission des Finances de l'Assemblée nationale.
Il propose trois axes de travail :
- Rendre moins cher le service de remplacement
- Valoriser les agents de remplacement
- Rendre le réseau plus efficace
Réduire le reste à charge
Actuellement, quand un ou une chef(fe) d'exploitation fait appel au service de remplacement, une part plus ou moins grande du coût réel de 155 à 160 euros par jour est prise en charge par la collectivité. Il reste à l'agriculteur un prix de 11 euros la journée pour un congé paternité, 60 euros pour un arrêt maladie ou d'accident (avant un crédit d'impôts) et 80 euros pour un congé ordinaire. Le reste à charge est nul pour des congés maternité ou pour l'aide au répit, pris en charge par la Mutualité sociale agricole (MSA). Enfin, les prises en charge varient selon les accords départementaux pour les autres cas (développement, formation, engagements syndicaux...).
Augmenter la part prise en charge conduirait, dans l'idée de Stéphane Travert, à faciliter le recours à ce service par les agriculteurs. Aujourd'hui, un agriculteur sur cinq est adhérent à un service de remplacement. Ce sont des éleveurs à 80 %.
Le député de la Manche demande d'actionner le crédit d'impôt en allongeant à 28 jours la durée prise en charge pour les congés, actuellement plafonnée à quatorze jours pour tous les motifs ; en passant de 60 % à 70 % le taux de prise en charge en cas d'arrêt maladie ou d'accident du travail ; et en pérennisant ce dispositif.
Stéphane Travers propose aussi d'homogénéiser la durée de prise en charge des contrats d'assurance prévoyance maladie accident décès. Ces contrats étaient commercialisés par les services de remplacement avant 2020 mais une réforme a interdit cette pratique. Ils sont donc désormais vendus par les caisses locales de Groupama avec des durées et des prix qui varient selon les caisses. Le rapport suggère que sa gestion soit remontée à la caisse centrale de Groupama.
Pour l'aide au répit, administré par les caisses locales de MSA, Stéphane Travert propose aussi une remontée à la caisse centrale pour une meilleure harmonisation. En 2019, 4242 agriculteurs en ont bénéficié.
Enfin, il propose la gratuité du service de remplacement pour les proches des agriculteurs immédiatement après un suicide, comme le sénateur Henri Cabanel et la sénatrice Françoise Férat l'avait déjà suggéré en 2021 dans leur rapport sur le suicide en agriculture. Au-delà de ce cas d'urgence, le député demande à réfléchir à la gratuité de l'adhésion au service.
Rendre attirant le métier d'agent de remplacement
Le premier frein au développement du remplacement en agriculture reste la difficulté à recruter des agents, avance la fédération nationale SRF. Sur le terrain, ils ne sont pas rares, les témoignages d'agricultrices enceintes qui doivent conduire leur troupeau jusqu'au dernier jour parce que leur demande de remplacement est infructueuse.
On décompte aujourd'hui 15 000 agents de remplacement. Leur nombre est en augmentation depuis les années 2000. Le nombre d'heures travaillées s'accroît également pour atteindre 4,6 millions d'heures en 2019 avant de connaître une baisse du fait de la crise du Covid-19.
Stéphane Travert encourage les partenaires sociaux à rédiger un avenant spécifique aux agents de remplacement dans la convention collective de la production agricole. Il demande aussi d'aborder les conditions d'exercice du métier en particulier la systématisation du contrat à durée indéterminée, la prime de transport et les conditions de logement.
Le certificat de qualification professionnel (CQP), mis en place en 2005 mais sans grand succès, devrait être remplacé par une nouvelle formation, inscrite à France compétences et au Registre national des certifications professionnelles, dès 2023. Les syndicats de salariés ne sont pas tous d'accord sur la stratégie à adopter pour ce faire. Par ailleurs, le rapporteur estime nécessaire de lever certains freins administratifs à l'apprentissage qui le rendent difficilement compatible avec des missions longues de remplacement, comme l'interdiction de travailler dans plus de deux exploitations.
Renforcer le réseau
On compte 320 services de remplacement en métropole et à la Réunion. Ils sont historiquement organisés, souvent avec des bénévoles, à l'échelon cantonal mais les structurations départementales et régionales sont de plus en plus solides.
Pour accroître l'efficacité du réseau, Stéphane Travers demande au ministère de l'Agriculture d'en faire une véritable stratégie publique dans le cadre du renouvellement des générations. Enfin, il demande une inscription des services de remplacement dans le Code rural et la reconnaissance d'utilité publique des associations gestionnaires de ce service, ce qui leur permettrait d'augmenter leurs ressources financières, en particulier si elles veulent se professionnaliser.