Le métavers est présenté par certains comme faisant partie des nouvelles technologies majeures qui se développeront dans les prochaines années. Si, avec ses mondes virtuels, le métavers n’empêche pas l’agriculteur de toujours monter sur son tracteur ou de prendre soin de ses animaux, il pourrait tout de même faire son apparition dans une certaine mesure en agriculture.

« L’internet de demain »

C’est ce qu’explique Laurent Chrétien, fondateur et PDG de Komodal, qui accompagne des entreprises de différents secteurs économiques vers le métavers. « Vous êtes incarné par un avatar qui se déplace dans un monde en 3D. Considérez cela comme un nouveau lieu qui pourrait être une ferme par exemple », partageait-il le 6 octobre 2023 lors du congrès de l’Association française de droit rural à Laval (Mayenne). Loin de l’image parfois véhiculée d’un métavers accessible en casque de réalité virtuelle, la très grande majorité de ces lieux virtuels se visitent via son écran d’ordinateur, sa tablette ou son téléphone.

« C’est l’internet de demain. Aujourd’hui, les informations sur les sites web sont accessibles en naviguant de pages web en pages web, de sites en sites. Demain, vous vous baladerez entre plusieurs environnements immersifs » : le fondateur de Komodal estime que les mondes virtuels seront « matures »  pour les entreprises d’ici à 3 ou 4 ans et à 8 à 10 ans pour le grand public. « Pratiquement toutes les entreprises, d’abord celles de grande taille, utiliseront de manière quotidienne les mondes virtuels pour le recrutement, la formation, leurs séminaires ou réunions de bureau. Couplé à l’intelligence artificielle, cela fera évoluer beaucoup de métiers tels qu’ils sont exercés actuellement. »

Une application embryonnaire en agriculture

Pour l’instant, l’application du métavers en agriculture reste embryonnaire. Le métavers pourrait permettre de « mieux visualiser et de mieux comprendre les impacts de tel ou tel effet climatique ou de l’utilisation de produits spécifiques », envisage Laurent Chrétien. Grâce à des données satellitaires ou récoltées par plusieurs capteurs, le métavers pourrait par exemple permettre de simuler sur une parcelle différents scénarios dans un monde virtuel en fonction des données récoltées. Un Farming simulator permettant de réaliser des essais de terrain sous forme numérique en quelque sorte.

Sans encore aller jusque-là, l’entreprise italienne e-Geos travaille sur ce sujet. Avec son outil AgriGeo, elle promet d’apporter un support aux agriculteurs grâce au recueil d’informations géographiques, de données fournies par des capteurs et à l’intelligence artificielle.

La formation est aujourd'hui le principal usage du métavers

Le principal intérêt du métavers est sa capacité à rassembler, à distance et en même temps dans un même lieu numérique plusieurs personnes. Une situation que savent déjà gérer les éditeurs de jeux vidéo avec leurs jeux massivement multijoueurs. « Il est fort à parier que dans les deux ou trois ans qui viennent les acteurs du jeu vidéo qui ont déjà l’habitude rassembler de très grandes quantités de personnes se mettront sur le marché des mondes virtuels. »

Par son aspect immersif et social, c’est surtout dans l’éducation et la formation que le métavers trouvera sa principale application. Ce qui est déjà le cas aujourd’hui. « 60 % du marché actuel de l’utilisation des mondes virtuels est consacré à la formation de personnes dans un environnement virtuel. L’avantage est qu’il n’est pas nécessaire de déplacer les personnes, et le niveau d’interaction entre l’enseignant et les apprenants reste très proche de la réalité », ajoute le fondateur de Komodal. De quoi imaginer la possibilité de réunir virtuellement plusieurs agriculteurs lors d’une formation professionnelle.

Ouvrir son magasin virtuel

L’autre usage applicable à l’agriculture concerne la vente de produits agricoles grâce à des magasins virtuels. « Nous sommes tout à fait capables technologiquement de créer des stands ou un marché virtuel dans lequel des clients vont venir faire leurs courses comme ils le feraient dans un supermarché », décrit Laurent Chrétien. La construction de magasins de producteurs virtuels pourrait consacrer une nouvelle forme de commercialisation en circuits courts.

« Les premiers qui s’emparent de ce sujet sont plutôt les grandes marques de luxe qui explorent ce que sera demain une boutique dans un mode virtuel. On passe ainsi du e-commerce, qui est asynchrone, à du virtual commerce ou v-commerce (NDLR : prononcé à l'anglaise], synchrone et sachant que chaque avatar est incarné par une personne, on réhumanise quelque part la relation entre le vendeur et l’acheteur. » Mais le développement de l’intelligence artificielle pourrait aussi confronter l’acheteur à un avatar piloté par celle-ci. Est-ce que ça fait du métavers une innovation intelligente ? À chacun d’en juger.