« On a un choc démographique. En 2020, 59 % des agriculteurs ont plus de 50 ans », alerte l’Idele. Pour amorcer le renouvellement des générations, l’Institut de l’élevage a mené le projet Capsagri pour « établir un diagnostic sur le salariat en agriculture », souligne Emmanuel Béguin chef du serviceen charge de l'approche sociale et du travail en élevage à l’institut, lors de la présentation de l’enquête, le mardi 10 octobre 2023.

Car le salariat est l’une des approches envisagées pour répondre au renouvellement des générations. Il dispose d’une place croissante au sein de la main-d’œuvre agricole. En 2019 (dernière année disponible), les salariés représentaient 1,2 million de personnes et 335 000 équivalents temps plein, contre 405 000 actifs non-salariés (380 000 ETP), selon le CGAEER.

Au cours de son enquête auprès de 120 acteurs (employeurs, salariés, acteurs de l’emploi), l’Idele a observé un manque de connaissance du métier de salarié agricole. « L’invisibilité est valable dans le secteur mais aussi auprès des acteurs de l’emploi et de la formation », précise Emmanuel Béguin.

Visibiliser le salariat agricole

Parmi les pistes issues du diagnostic établi par l’Idele pour promouvoir la filière, la concertation des acteurs de l’emploi et de ceux de la formation agricole. « Il faudrait visibiliser le monde agricole en sensibilisant les jeunes et en communiquant auprès des demandeurs d’emploi », propose Sophie Chauvat, coordinatrice du RMT Travail en agriculture à l’Idele. De même, l’institut encourage la création d’un syndicat propre aux salariés agricoles pour « réinterroger la gouvernance de l’organisation paritaire agricole pour une meilleure représentation des salariés ».

En plus de devoir vaincre cette invisibilité, le secteur doit faire face au manque d’attractivité du métier, notamment à cause d’une faible rémunération. Un salarié agricole perçoit un salaire de 20 % inférieur à celui d’un ouvrier non agricole, et la moitié de ces salariés ont un statut précaire.

Mais étonnamment, la question de la rémunération n’est pas la principale préoccupation des salariés agricoles interrogés par l’Idele. « Les salariés attendent d’abord de bonnes conditions d’exercice de travail et recherchent surtout une bonne ambiance avec les employeurs », explique Sophie Chauvat.

Viennent ensuite la visibilité du planning et la transmission des consignes, l’adaptation du matériel pour réduire la pénibilité (notamment pour les femmes), la diversification du travail, et la diminution d’astreintes le week-end pour les productions animales.

La rémunération arrive finalement en dernière position des attentes des salariés. Car si ces derniers aimeraient qu’elle soit plus valorisée, « ils sont conscients que les employeurs n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre sur ce levier-là », observe Sophie Chauvat.

Se former aux ressources humaines

Pourtant, c’est bien la rémunération qui est mise en avant par les éleveurs lorsqu’on les interroge sur les attentes des salariés. Cette divergence témoigne « d’une méconnaissance des éleveurs sur les préoccupations salariales », analyse Emmanuel Béguin.

Pour accompagner le bon développement du salariat agricole, tant sur la connaissance des enjeux salariaux que sur l’ambiance de travail, les éleveurs peuvent donc agir sur ces deux leviers, propose l’Idele : l’amélioration des conditions de travail sur leur exploitation et le développement de leurs compétences en ressources humaines.

Or, la formation aux ressources humaines, déjà absente des formations initiales, reste peu prisée des exploitants : « Les formations RH à Vivea ne représentent que 3 % des formations financées entre 2021 et avril 2023 », regrette l’Idele.