C’est la douche froide. Alors que les ressources pour financer la formation continue des agriculteurs étaient en hausse depuis au moins trois ans, le fonds Vivéa se retrouve brutalement confronté à une baisse du budget compromettant une partie des formations prévues sur la fin de l’année 2025. Un moment où les formations étaient censées redémarrer pour bon nombre d’agriculteurs davantage disponibles durant la période hivernale.
Priorité aux formations réglementaires
Vivéa a établi des priorités parmi les formations finançables pour les deux dernières sessions de financement de l’année de 2025. À la suite d’une « baisse imprévue » des recettes, le fonds a classé l’offre de formations « selon des critères objectifs », précise Vivéa dans un communiqué du 29 novembre 2025. Ces critères sont « identiques sur tous les bassins ». Vivéa a ainsi décidé de prioriser pour cette fin d’année :
- les formations collectives — en demandant aux organismes de formation de privilégier des groupes d’une dizaine de stagiaires ;
- les formations réglementaires obligatoires, pour permettre aux agriculteurs de poursuivre leurs activités (Certiphyto, bien-être animal…) ;
- les formations spécifiquement conçues par et pour les territoires ;
- les formations qui concernent le plus grand nombre d’agriculteurs, jusqu’à épuisement des crédits disponibles.
Mesures temporaires
« Nous essayons de trouver des solutions pragmatiques, au cas par cas, tout en étant le plus équitable, assure Émilie Lecerf, directrice du fonds de formation. Nous faisons tout sur le terrain pour accompagner au mieux l’ensemble des agriculteurs et organismes concernés. »
Ces mesures « temporaires » doivent permettre de « limiter les financements à un niveau de déficit acceptable », souligne Vivéa.
De plus, Vivéa assure que tous les accords de financement déjà donnés « seront honorés », de même que ceux qui le seront sur les deux prochaines sessions du 6 novembre et du 27 novembre 2025.
Une baisse « importante et inattendue »
La principale ressource de Vivéa provient des cotisations des exploitants agricoles. La cotisation au fonds ouvre chaque année à l’exploitant en activité une enveloppe de 3 000 euros pour la formation. Ce montant n’est pas reportable d’une année sur l’autre. Il existe un grand nombre de formations finançables. Mais attention, une formation est toujours prise en charge « sous réserve des financements disponibles et sous réserve d’un accord formalisé par Vivéa ». Un reste à charge peut en outre être demandé aux participants selon le type et le montant de la formation choisie.
La MSA, qui est à la source de l’information, fournit au fonds Vivéa les prévisions de collecte pour l’année en cours. Ces ressources dépendent de la population agricole active et du revenu agricole, en lien avec le plafond de sécurité sociale.
Pendant plusieurs mois, ce budget était donné à plus de 70 millions d’euros pour 2025, selon plusieurs sources contactées par La France Agricole. Or les dernières prévisions de budget annoncées en octobre 2025 par la MSA font état d’une baisse de près de 10 % de ce budget. Les ressources préservées de manière à faire face à la reprise saisonnière des formations ne suffisent donc pas, selon la direction de Vivéa, à faire face à cette baisse aussi importante et inattendue.
De nouvelles formations et les permis financés en 2025
Ce retournement ternit le bilan de l’année qui était jusqu’à présent très bon, selon Vivéa. Les évolutions de ressources encourageaient autant les conseillers du fonds agricole que les organismes de formation à promouvoir les offres de formation aux agriculteurs. Porté par une belle dynamique, le conseil d’administration de Vivéa (1) avait même décidé en juillet 2024 d’accroître son soutien à la formation des chefs d’entreprise agricoles en élargissant le nombre de formations finançables et en offrant la possibilité de financer à 100 % les permis nécessaires à l’exercice de l’activité agricole (2).
« Nous financions de manière généreuse les permis », souligne Émilie Lecerf. « Nous ne l’avons pas fait de manière irresponsable puisque nous avions le budget à ce moment-là. Cette mesure a évidemment été stoppée jusqu’à la fin de l’année, d’autant que Vivea était arrivé au bout des 6 millions d’euros consacrés à cette mesure », précise-t-elle.
« Reporter ce qui peut l’être » après le 18 décembre
Vivéa incite à « reporter ce qui peut l’être » et ce afin de « limiter au maximum le préjudice pour les organismes de formation et pour les stagiaires concernés » par un refus de financement sur la fin de l’année. À noter que la première session de formation de 2026 démarre le 18 décembre 2025, date à laquelle « les conditions habituelles de financement seront rétablies ». « Les crédits de 2026 sont disponibles », souligne Émilie Lecerf. Ce qui implique « un report de quelques semaines quand il est possible de le faire ».
« Nous ne pouvons pas simplement reporter ces formations à 2026 », alerte Thomas Borrell, de l’Atelier paysan, invoquant un planning dense à cette période, des moyens déjà engagés ailleurs et des stagiaires qui avaient pris leur disposition pour participer aux formations. Pour ce centre de formation notamment, la « brutalité » des annonces de Vivéa est vécue comme un « séisme ». Les mesures mises en œuvre pour faire face à cette baisse de budget les font surtout tiquer. « Il ne s’agit pas d’un simple ajustement technique », appuie-t-il. « C’est bien peu de considération pour les paysans et pour l’activité qu’on porte. »
Au sein de cette coopérative où les agriculteurs viennent apprendre l’autoconstruction d’outils, les formations se concentrent d’octobre à mars. L’Atelier paysan indique que toutes les demandes de financement sur novembre et décembre ont été refusées au motif que leurs formations « ne sont pas prioritaires ». Cela représente « 76 journées de formation à déprogrammer et 280 paysannes et paysans privés de formation cette fin d’année ». Près de la moitié des ressources sont perdues pour cette structure qui craint désormais la faillite.
Des agriculteurs privés de formation
Il s’agit d’un « choix très politique » que de « prioriser le plus grand nombre au détriment de groupes qui veulent faire valoir des techniques alternatives », juge Thomas Borrell. Cette décision « sacrifie des pans entiers de formations » alors qu’une péréquation entre régions ou entre productions aurait pu être au moins envisagée, selon lui. Aussi, dans une lettre ouverte à Vivéa, le président de l’Atelier paysan reproche au fonds d’assurance formation de « priver les paysans de leur droit à se former » et de fragiliser ceux qui portent « depuis des années le développement agricole en dehors des ornières de l’industrie ».
« Nous comprenons la colère et la détresse de certains agriculteurs et organismes », dit aussi Vivéa. En ajoutant : « Mais nous avons une responsabilité : celle de garantir la pérennité du dispositif de formation pour tous et de rester exemplaires dans la gestion des fonds mutualisés. »
Cette situation est rare mais pas inédite. La direction annonce engager « des travaux de sécurisation budgétaire pour 2026 afin d’éviter qu’une telle situation ne puisse se reproduire ».
(1) Le conseil d’administration de Vivéa est composé de membres élus issus des syndicats agricoles (FNSEA-JA, Confédération paysanne et Coordination rurale), des chambres d’agriculture et d’organisations professionnelles agricoles.
(2) Le financement d’un ou plusieurs permis s’ajoute au droit annuel de 3 000 euros.