« Faire pâturer ses vaches laitières douze mois sur douze, c’est la norme pour les producteurs néo-zélandais. » Marion Cassagnou, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (Idele), relate son voyage en Nouvelle-Zélande à la rencontre des éleveurs bovins laitiers. « La production est traditionnellement basée sur l’herbe, grâce à des conditions climatiques très favorables aux prairies », expose la spécialiste. Mais le rythme s’accélère. En trente ans, la production a été multipliée par trois, portant les volumes à 22 millions de tonnes de lait par an. Soit l’équivalent de la production française, sur une île de cinq millions d’habitants. De fait, l’économie de la filière se base majoritairement les exportations, notamment sur les marchés asiatiques. « 94 % du volume produit est expédié à l’étranger », précise Marion Cassagnou, à l’occasion de la conférence Grand Angle Lait du 5 avril 2023 organisée par l'Institut de l'élevage (Idele).

Une irrigation aussi importante que la pluviométrie

Qui dit système herbager dit eau. Son utilisation augmente au rythme de l’accélération de la production. Le développement de l’irrigation des prairies s’est fait conjointement avec celui des élevages de l’île du Sud depuis vingt ans. Si l’île du Nord est la terre d’élevage bovin laitier traditionnelle, l’île du Sud connaît aujourd’hui un essor. « L’eau d’irrigation provient de grosses réserves hydrologiques, alimentées par la neige en montagne. Les prairies reçoivent au moins autant d’eau par irrigation que par pluviométrie. Le nombre d’hectares irrigués est colossal », explique Marion Cassagnou. Autrement dit, la production laitière en dépend.

© Christine Berger – Institut de l’élevage - La rentabilité des systèmes laitiers sur l'île du Sud repose sur l'irrigation des prairies (entre 500 et 600 mm d'eau par an, soit autant que la pluviométrie).

Mais les conséquences du réchauffement climatique commencent à se faire sentir. Les hauteurs de neige diminuent, le temps et la fréquence d’enneigement aussi. Christine Berger, zootechnicienne à l’Idele, a rencontré des éleveurs sur place. Elle n’a pas constaté d’inquiétude profonde sur le sujet : « la quantité d’eau disponible reste importante à ce stade. »

La qualité de l’eau inquiète

Par ailleurs, le sujet de la qualité de l’eau préoccupe. Pour l’Institut national de recherche sur l'eau et l’atmosphère (NIWA), la pollution de l’eau est le principal problème environnemental que le pays subit. Et elle est corrélée à la récente explosion des élevages laitiers dans l’île du Sud. "Les effluents d’élevage sont mal gérés », précise le NIWA. Les problèmes d’eutrophisation sont prégnants, notamment pour les lacs entourés de terres agricoles.

« Le problème, c’est que la Nouvelle-Zélande a une image très “clean and green”, sur laquelle se base le tourisme, fort pilier économique du pays », livre Christine Berger. Parler de solutions pour améliorer la qualité de l’eau va forcément de pair avec la perspective de nouvelles contraintes pour les éleveurs laitiers. « Mais il en va de l’économie de l’île. Même s’ils sont furieux, les agriculteurs sont très enclins à trouver des solutions pour s’adapter. »