Les loups attaquent les troupeaux depuis plus de vingt ans dans les Alpes-Maritimes. Le comble pour les éleveurs de la zone, c’est qu’on leur reproche de ne pas s’y prendre convenablement tellement les attaques sont nombreuses. « Pour mettre en lumière notre situation, nous avons souhaité que des scientifiques viennent constater ce que nous vivons tous les jours », indique Vincent De Sousa, éleveur des Alpes-Maritimes, lors d’une conférence au Sommet de l’élevage, le 7 octobre 2025. Marie Gontier du Cerpam (Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée), l’accompagnait pour présenter cette étude territoriale de la prédation conduite sur le foyer des Préalpes de Gourdon.
La violence psychologique et sociale vécue par les éleveurs, premier constat de l’étude, va dans le même sens que celui de l’Inrae dans son étude conduite en 2022. Le surplus de travail engendré par la prédation provoque d’énormes bouleversements qui s’accompagnent de fortes angoisses. « Le stress est chronique face à un avenir non maîtrisé », souligne Marie Gontier.
L’étude a également mis en évidence « la forte technicité des éleveurs et leur capacité à mettre en œuvre une stratégie de protection pour s’adapter et résister à la pression de prédation ». Malgré ces épreuves, ils sont toujours à leur poste. 12 d’entre eux (sur 17) ont participé à l’étude qui se concentre sur une dizaine de communes autour de Gourdon.
Les experts ont analysé de nombreuses données issues du petit territoire et les 1 287 attaques réussies et constatées entre 2002 et 2022 sur la zone, prouvent l’intensité de la pression vécue. D’autant que ce chiffre est minoré par rapport à la réalité, car lorsque les animaux ne sont pas retrouvés après une attaque, l’attaque ne rentre pas dans le décompte.
Si aucune attaque ne se déroulait pendant la journée en 2002, elles sont aujourd’hui très largement majoritaires (70 %). Cela tient à l’évolution des pratiques. Aujourd’hui, les brebis passent la nuit en parc fermé après le pâturage pendant la journée. « Les attaques de nuit concernent des brebis égarées, les attaques dans le parc de nuit restent rares », soulignait Marie Gontier.
Deux meutes sur le site
Le secteur étudié semble avoir une forte densité de loups, avec la présence de deux meutes qui utiliseraient le site comme zone de prospection et de chasse de manière croisée, indiquent les experts. Pour autant, l’organisation sociale et le rythme d’activité des loups ne présentent pas de différences majeures avec les autres populations décrites dans la littérature.
Des interrogations demeurent. Le rythme d’activité des loups, par exemple, observé par les scientifiques via un réseau de caméra, est majoritairement nocturne alors que les attaques sont diurnes. Une hypothèse avancée serait que le prédateur profiterait de la nuit pour se cacher dans la zone de pâturage des brebis afin de passer à l’action, ce qui s’apparenterait à une chasse à l’affût.
L’étude a aussi montré que la probabilité d’attaque sur une unité pastorale augmente avec la durée de pâturage du troupeau. Plus un troupeau reste longtemps sur un quartier et plus il a de risque de se faire attaquer sur ce quartier-là.
Autre constat : le tir de défense simple ou renforcée ne semble pas avoir d’impact sur la probabilité de subir une attaque. L’effet des tirs semble être seulement local et de courte durée.
Des études complémentaires permettraient d’affiner les connaissances pour éventuellement trouver des solutions, selon les experts. « Identifier et activer ces marges de manœuvre techniques passera aussi nécessairement par des dispositifs d’appui et d’accompagnement technique, administratif et financier à déployer au service des éleveurs et des éleveuses », estiment-ils.