Une journée type à la fromagerie des Hautes Marettes en Ille-et-Vilaine, démarre vers 6h30 avec la transformation de lait de vache en tomme fermière au lait cru. Après un grand nettoyage, dès 10 h, c’est au tour du lait de chèvres pour la fabrication de tommes et de fromages frais.

La production de fromages a démarré en septembre 2019 dans un atelier de 280 m² jouxtant la stabulation des vaches. Trois ans plus tard, le Gaec transforme 20 000 litres de lait de vache et près de 10 000 litres de lait de chèvre par mois. « Nous avons entamé la réflexion dès 2017 à la création du Gaec », expliquent Vincent Crocq et Franck Mérel, deux des cinq associés de la société.

« La crise bovine de 2015 a laissé des traces. Nous voulions mieux valoriser notre produit en développant un atelier de transformation tout en conservant la filière longue », indiquent les éleveurs. Vincent décide de se former, accompagné par un fromager de la laiterie Triballat.

Vente à des grossistes

Issue de la fusion de deux Gaec, le Gaec des Jums et le Gaec des Marettes, la structure comptait à l’époque une référence de 1 800 000 litres de lait de vache répartie entre deux laiteries : Triballat (1,1 M de litres) et Lactalis (700 000 l) et une référence caprine de 1 200 000 litres chez Triballat (devenu Olga).

Avec des sites distants de 2 km, les associés des deux Gaec avaient l’habitude de travailler ensemble. Lors de l’association, les 200 vaches ont été regroupées sur le site de Saint-Aubin-du-Pavail avec l’installation de trois robots et deux tanks. Les 1 100 chèvres sont restées sur le site de Châteaugiron.

© I. Lejas - La fromagerie comprend 2 salles de fabrication, une salle d’affinage, de saumure et de stockage ainsi qu’un bureau.

Outre les productions laitières, le Gaec compte 310 ha de terres, ainsi qu’un atelier d’engraissement de génisses (140 animaux) et une méthanisation par voie sèche sur un troisième site. Déjà très occupés, les associés ne voulaient pas vendre en direct sur la ferme ou dans un magasin de producteurs. 

« Notre idée première était de produire de la tomme au lait de vache, affinée et commercialisée par notre laiterie Triballat. Mais ce projet n’a pas abouti », résume Franck Mérel. Aidés par la laiterie, les producteurs ont donc ciblé les grossistes pour ne pas multiplier les contacts. Peu courant sur ce créneau, le produit au lait cru a tout de suite plu.

« Nous travaillons avec des entreprises comme Pomona, Team Ouest. Nous avons un grossiste dans le nord de la France qui distribue sur la Belgique et le Luxembourg. Nous fournissons également une dizaine de restaurateurs et quelques crémeries locales, détaille Vincent. Nos animaux, vaches et chèvres, reçoivent une ration identique toute l’année ce qui permet d’obtenir un produit homogène. »

Des coups durs

L’avenir semblait radieux avant que le Covid ne vienne jouer les trouble-fêtes quelques mois après le lancement de la fromagerie. Contrairement aux producteurs en vente directe, le Gaec a vu ses ventes s’effondrer du jour au lendemain avec l’arrêt de la restauration. Bouche-à-oreille, page Facebook, groupe WhatsApp…Tous les réseaux ont été actionnés pour écouler les stocks. Après quelques sueurs froides et nuits blanches, le système D a fonctionné.

© I. Lejas - Conduites en lactaction longue, les chèvres produisent du lait toute l’année.

Un an plus tard, nouveau coup dur : la laiterie Triballat décide de réduire sa production de lait de vache conventionnel en imposant soit un cahier des charges avec obligation de pâturage, soit en finançant un arrêt de production. « Avec 6 hectares accessibles pour 200 vaches auprès de la stabulation, nous n’étions pas dans les clous », lancent les éleveurs.

Après mûres réflexions, ils optent pour la prime de cessation laitière. « Arrêter du jour au lendemain 1 100 000 litres de lait ne se prend pas à la légère. Nous avons réduit le troupeau de 200 à 90 vaches. » Entre-temps, à la demande des clients, le Gaec a commencé à fabriquer de la tomme de chèvres, puis des fromages frais. Le laboratoire a été agrandi (30 m²) à l’emplacement du deuxième tank.

Depuis la fusion, le Gaec a connu beaucoup de changement. Il a fallu acquérir des compétences dans la transformation, la commercialisation et s’adapter aux imprévus. « Dans ces moments-là, le collectif est une force. Les orientations stratégiques sont prises avec plus de recul », estiment les associés.