La tension est à son comble. Les dommages des loups ont bondi en 2022. « Les chiffres ne sont pas consolidés, mais nous comptabiliserons environ 12 000 victimes, soit 20 % de plus qu’en 2021 », dévoile Jean-Paul Celet, préfet coordonnateur du plan.

Même si les prélèvements légaux de loups ont eux aussi fortement progressé, les élevages ne ressentent pas d’apaisement. 162 loups ont pourtant été tués légalement en 2022, tous tirés à proximité des troupeaux. 6 ont été tirés hors protocole.

30 à 40 attaques par an

« Dans les Alpes-Maritimes, nous enregistrons tous 30 à 40 attaques par an, souligne Jacques Couron, président de la Fédération régionale ovine de la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Les brebis vivent en état de stress permanent. Même dans la bergerie, le troupeau ne se sent pas toujours en sécurité. Il y a trois ans, les loups rôdaient autour de mon tunnel pendant que brebis agnelaient. Elles n’ont pas assuré convenablement l’allaitement alors qu’elles étaient en état et la mortalité des agneaux a explosé. »

Atteindre le seuil de 0,5 agneau par brebis se fait au prix d’un travail incessant. Les éleveurs ont aussi bien du mal à équilibrer leurs comptes d’autant que dans certains départements de la Région, le paiement des aides à l’installation des moyens de protection a près de deux ans de retard. « Certains éleveurs n’ont plus les moyens d’avancer ces frais, et ils risquent de ne pas pouvoir mettre la protection en place cette année », se désole-t-il.

Or, si le troupeau n’est pas protégé, les prédateurs agissent à leur aise et les dommages explosent. Il semblerait que ce scénario se soit déroulé l'année passée dans certains secteurs de la Drôme où les loups n’étaient pas présents jusqu’alors. « La forte hausse observée en 2022 est aussi en partie due à l’augmentation des dommages en dehors de l’arc alpin, déclare le préfet coordonnateur. La Lozère, le Cantal et la Haute-Loire, comptabilisent 700 victimes supplémentaires par rapport à 2021. Le Lot aussi a enregistré 150 victimes en plus. »

Les prédateurs colonisent de plus en plus d’espace. « Il n’y a pas suffisamment d’anticipation, estime Annabelle Wurbel, référente loup à la Confédération paysanne. Toute la France devrait être classée en Cercle 3 pour installer des chiens de protection. »

A la fin de l’hiver dernier, l’Office français de la biodiversité (OFB) estimait la population des loups en forte hausse à 921 individus. "Les résultats des analyses génétiques des indices collectés qui n’avaient pas lieu les années précédentes ont participé à cette réévaluation", explique le préfet, précisant que "la méthode adoptée par la France est très rigoureuse".

Remonter les indices

Pour Claude Font, référent « loup » à la Fédération nationale ovine, « il est important que les indices de présence des loups (crottes, poils, photos... ) entrent dans la base de données de l’OFB. Il faut donc intégrer le réseau loup-lynx pour faire remonter plus facilement ces informations. » C’est le moyen d’obtenir une évaluation du nombre de loups au plus juste. Ce chiffre détermine celui des prélèvements. En 2022, 174 prédateurs (soit 19 % de 921) auraient pu être prélevés. « Il n’y aura pas d’affectation par région d’un nombre de loups à prélever, précise le préfet. De même, le plan loup sera le même pour tous les départements. En revanche, il y a des dispositions qui conviennent mieux à certains secteurs que d’autres. »

Les tirs semblent ponctuellement atténuer la pression auprès des troupeaux. « Quand nous prélevons un loup à proximité d’un troupeau, les attaques cessent pendant quelques jours, observe Bruno Drevet », président des lieutenants de louveterie des Hautes-Alpes. En 2022, le bénévole « assermenté », exerçant le métier de cuisinier dans un collège, a passé 80 nuits dans les estives. « Je veux ainsi apporter mon aide aux éleveurs qui vivent des situations de détresse difficile », explique-t-il.

Des louvetiers efficaces

À l’échelle du territoire, le dispositif actuel est fortement dépendant des louvetiers. « Ils ont effectué 120 prélèvements, détaille Jean-Paul Celet. Les éleveurs et les chasseurs en ont réalisé une vingtaine, tout comme les agents de la brigade loup. Il y a une grande variabilité de la réussite selon les départements. Nous souhaitons réorganiser la louveterie, ouvrir le recrutement, renforcer la formation et les équipements. » Une spécialisation des agents sur l’espèce est également envisagée.

Bruno Drevet aimerait que le service qu’il rend soit mieux reconnu et que ses frais de déplacement soient mieux remboursés. Pour l’instant, il perçoit un défraiement. « Mais cela ne correspond pas à la consommation de nos 4 x 4, indispensables pour accéder aux parcs de nuit des animaux », explique-t-il. Autre difficulté pour le bénévole : une fois sur place, il doit accomplir sa mission en présence des militants des associations de protection des animaux. « Ils font du bruit et épient tous nos faits et gestes », relate-t-il.

Le renforcement de la brigade loup promis aux éleveurs par le président de la République à l'été 2022 lors d’une étape du Tour de France est en cours. « Une nouvelle unité sera prochainement mise en place, déclare le préfet. Elle sera sous le commandement de la brigade actuelle. Elle sera basée dans le massif central. »