L’image des agriculteurs a été un des sujets importants des récentes manifestations agricoles. C’est sur cette question que s’est penché le Centre d’études et de prospective, le bureau de recherche chargé d’éclairer les politiques publiques du ministère de l’Agriculture et d’ouvrir le débat.
Leur enquête s’est surtout focalisée sur la représentation des agriculteurs sur tous les types de supports (médias, fiction, réseaux sociaux…), mais n’a pas pu se pencher, pour des raisons matérielles, sur la réception de ces images par le grand public.
Quatre représentations des agriculteurs
Quatre types de représentation structurent le débat. Elles sont formées par deux axes d’opposition : d’une part, la taille des exploitations et l’intensivité de la production, et d’autre part, la tonalité positive ou négative de l’avenir. Par exemple, les exploitations intensives de grande taille qui ont peur de l’avenir se voient dans des fictions comme Sérotonine de Michel Houellebecq. Elles mettent en scène des exploitants endettés pris dans un système et isolé dans leur combat. À l’inverse, la presse professionnelle met en avant des exploitations similaires, mais insiste, cette fois, sur le dynamisme entrepreneurial et l’excellence technique.
De l’autre côté de ce schéma, le petit paysan pessimiste est représenté par Les Bodin’s ou par les films de Raymond Depardon dans sa série Profils paysans. Enfin, le paysan optimiste est symbolisé par des agriculteurs traditionnels engagés dans des filières à haute valeur ajoutée. On peut avoir en tête le rôle joué par Hubert de Montille, avocat et viticulteur de haut rang en Bourgogne, dans le reportage Mondovino de Jonathan Nossiter.
À long terme, les oppositions d’images ne changent pas. Par exemple, la tradition et la modernité jouent un rôle structurant des représentations des agriculteurs. Elle est fréquemment utilisée dans les discours, mais les images qui l’illustrent varient selon les époques.
Par exemple, la vente de lait à la ferme était une pratique éculée des éleveurs dans les années 1970. Elle est devenue un mode rentable de commercialisation désormais.
Les représentations de l’agriculture forment un stock culturel vivant qui peut être appelé selon les circonstances. L’émetteur du discours s’en sert ainsi pour soutenir ses argumentaires, mais aussi pour simplifier une réalité complexe.
Agribashing
Les auteurs de l’étude observent avec ce regard trois débats contemporains où ces mécanismes ont été mis à l’œuvre : l’agribashing, les pesticides et le bien-être animal. À cette occasion, ils observent que les critiques ont tendance à se porter plus sur l’agriculture que sur les agriculteurs ou les agricultrices.
Ces analyses soulignent des évolutions du débat qui seront intéressantes à suivre : le renforcement de l’agriculteur responsable de ses choix (donc potentiellement coupable), la remise en question de l’élevage, la cohabitation d’images diverses sur les pesticides (technicité de la pulvérisation, pollution chimique).
Notoriété
Les auteurs du rapport recommandent de continuer à développer des actions de communication sur l’agriculture à destination de la société. Désormais, les vecteurs de la communication de masse se sont diversifiés. Il faudrait donc adopter les codes des publics visés et y associer directement les agriculteurs pour expliquer leur métier, leurs pratiques, l’évolution des modes de production et de valorisation.
Toutefois, ces actions ne pourront pas changer totalement l’image des agriculteurs. L’étude historique contenue dans ces travaux montre que les représentations de l’agriculture sont profondément ancrées par un héritage d’un groupe social. Elles ne se laissent pas transformer si facilement. Mais les messages peuvent déjà améliorer le degré de notoriété et modifier les comportements de façon temporaire.