Depuis le 1er janvier 2022, les emballages plastiques pour les fruits et légumes non transformés et conditionnés en lots de moins de 1,5 kg sont interdits. Le Conseil d'État a annulé le décret d'application de cette loi le 9 décembre 2022, jugeant illégale la liste d'exemption établie par le gouvernement, qui fixait des échéances différentes suivant la fragilité du produit.
"Le décret est tombé, et c'est bien regrettable, commente Cyril Pogu, vice-président de Légumes de France. On ne pensait pas en arriver là, mais on a été obligé car nous ne sommes pas écoutés. Il y a de vrais problématiques sur certains petits produits, liées à l'absence d'alternatives."
Le maraîcher nantais déplore le manque de matériaux appropriés pour les produits humides. "La seule alternative, c'est le mélange de papier et cellulose, mais il ne remplit pas les critères nécessaires, notamment en termes de conservation et de visibilité."
Nouveau projet de décret
Le ministère de la Transition écologique a mis en consultation, du 15 décembre 2022 au 12 janvier 2023, un nouveau projet de décret. Il propose une nouvelle liste de fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac : la mâche, les jeunes pousses, les herbes aromatiques, les fleurs comestibles, les pousses de haricot mungo, les graines germées, les fruits mûrs à point, les canneberges, les airelles, les physalis, et les myrtilles, les framboises, les fraises, les mûres, les groseilles, la surelle, la surette et la groseille pays, les cassis et les kiwaïs, les endives, les champignons, les petites carottes, les épinards et l’oseille. Il n'y a plus de délais, mais des exclusions complètes.
Le projet de décret liste également les fruits et légumes pouvant encore être vendus sous plastique jusqu'au 31 décembre 2023, pour permettre l'écoulement des stocks d'emballages.
Ce nouveau projet de décret "ne satisfait pas encore la production", affirme Cyril Pogu. "On regrette que les problématiques liées à l'humidité ne soient encore pas prises en compte, explique-t-il. Les jeunes pousses ou encore la mâche ont été listées sans délais, ce qui n'est pas trop mal, mais il reste plein de légumes qui passent à la trappe et ce n'est pas acceptable."
L'humidité des produits n'est pas prise en compte
Par exemple, le radis équeuté, conditionné en petit sachet ne trouvait pas d'alternative de conditionnement. "Depuis qu'on a lancé ce produit sur le territoire français, on a vu la consommation de radis exploser, en particulier chez les plus jeunes. Il a fallu arrêter le plastique sur ce produit pour passer sur la seule alternative qui est le papier en cellulose, mais ça ne fonctionne pas. Le papier absorbe l'humidité du radis et la cellulose se dégrade en moins de 48 heures. Quinze jours plus tard, les distributeurs nous ont dits qu'ils coupaient la référence, les consommateurs sont déçus et n'en veulent pas", rapporte Cyril Pogu.
Même problème avec le chou chinois, qui s'abîme vite et est délaissé par le consommateur depuis qu'il n'est plus emballé. "La place ne reste jamais vide dans les rayons, constate Cyril Pogu, amer. Les produits français restent chez le producteur, et on retrouve des produits étrangers dans les rayons."
"Il n'est pas question de revenir en arrière sur les emballages plastiques, insiste-t-il. Au contraire, les producteurs étaient prêts à faire le pas, beaucoup l'ont fait à leur frais. Ce qu'il faut, c'est se mettre autour de la table et voir les endroits où ça coince. Les producteurs n'inventent pas les nouveaux matériaux, ils n'utilisent que ce qu'on met à leur disposition. On se rend compte que la bataille est vraiment politique. Les arguments techniques ne comptent pas et c'est vraiment dommage."
Retour en arrière sur l'élastique
En outre, Julien Denormandie, l'ancien ministre de l'Agriculture, avait annoncé, en décembre 2021, une tolérance sur les élastiques des bottes de radis, plantes aromatiques et carottes fanes. Toutefois, l'exception était inscrite dans la Foire aux questions (FAQ) du décret annulé. "En faisant tomber le décret, on a fait tomber la FAQ. On va retomber dans le même travers avec le nouveau décret : le radis n'est pas inscrit, il n'y a pas de tolérance", indique Cyril Pogu.
Les contradictions ne s'arrêtent pas là. "On nous fait travailler depuis des mois, au ministère de l'Agriculture, sur un plan de souveraineté alimentaire, poursuit le maraîcher nantais. On réfléchit à des outils pour produire plus, et en parallèle, des producteurs ne peuvent pas sortir les produits de leurs parcelles car il n'y a pas le bon emballage."
Un cadre européen harmonisé en construction
Par ailleurs, comme l'a rappelé Interfel dans un communiqué le 9 décembre, la Commission européenne a proposé un règlement unique pour renforcer les objectifs de recyclage et de réutilisation des emballages (alimentaires en particulier) au niveau européen. "Il est dommage que le ministère de la Transition écologique republie un décret alors que la Commission est en train de mettre en place un cadre inspiré de la loi française", déplore Cyril Pogu.