État des lieux d’une production confidentielle. À la fin de 2018, la France comptait 581 exploitations détentrices de brebis laitières bio, pour seulement 220 livreurs produisant environ 25 millions de litres par an (9 % de la collecte nationale). En caprins, 1 045 fermes se sont positionnées sur le lait bio. Parmi elles, seule une petite centaine livre en laiterie, soit l’équivalent de 10,8 millions de litres annuels (2 % de la collecte nationale).
La surreprésentation deséleveurs fermiers s’explique notamment par « un circuit de collecte globalement absent hors des bassins historiques », « une marche souvent faible entre transformation fermière conventionnelle et bio », et un « état d’esprit propre à la filière », décrit Benoît Baron, de l’Institut de l’élevage (Idele).
Filières en croissance
Les conversions s’accélèrent depuis le début des années 2010. En ovins, « la collecte a plus que doublé entre 2014 et 2018 », souligne l’Idele dans son dernier dossier économique réservé au lait bio. L’enquête mensuelle laitière de FranceAgriMer laisse penser que le cap des 30 millions de litres collectés pourrait bien être atteint cette année.
Fermiers et livreurs combinés, le nombre d’exploitations certifiées bio a quasi quintuplé en dix ans. « La baisse de vitalité de la filière du roquefort inquiète les producteurs et l’arrivée de nouveaux opérateurs spécialisés sur l’ultra-frais offre de nouvelles perspectives pour les livreurs », note Benoît Baron.
La vague de conversions dans la filière bovine a également eu « un effet moteur ». Les troupeaux bio sont presque aussi grands qu’en conventionnel avec 224 brebis en moyenne, du fait de leur concentration sur le bassin Roquefort. D’après l’Agence bio, 36 fermes et 4 000 brebis étaient en cours de conversion en 2018.
Du côté des caprins, la crise de surproduction dans la filière conventionnelle fut un réel électrochoc. Entre 2009 et 2012, les surstocks de produits de report ont pénalisé le revenu des producteurs, avant de laisser place à une large pénurie en 2013. Le nombre d’exploitations bio a bondi de 160 % en l’espace de dix ans. Le cheptel moyen est aujourd’hui composé de 70 chèvres, soit deux fois moins qu’en conventionnel.
« La gestion du parasitisme se complique en bio et la filière conventionnelle est toujours en déficit, explique Benoît Baron. Il y a également un verrou culturel à la conversion de grands troupeaux caprins en bio, la crainte d’essuyer les plâtres, alors que la pratique est plus courante en brebis. » L’Agence bio fait état de 135 exploitations et 6 200 chèvres encore en cours de conversion en 2018.
Productions régionalisées90 %du lait de brebis livré vient de la Lozère et de l’Aveyron
« Au cœur de la zone du roquefort, les départements de l’Aveyron et de la Lozère regroupent près de 70 % des brebis et 35 % des élevages certifiés bio […] ainsi que 90 % du lait de brebis biologique livré », indique l’Idele. Le troupeau moyen y dépasse largement les 200 têtes, comme dans le Tarn et les Pyrénées-Atlantiques.
En Auvergne-Rhône-Alpes, Corse et Paca, les cheptels vont rarement au-delà des 140 têtes et sont essentiellement orientés vers la production fermière.
« Dans l’Ouest et en Nouvelle-Aquitaine, certains départements présentent des profils intermédiaires et correspondent à une coexistence de systèmes livreurs avec des systèmes de transformation fermière », note l’Institut de l’élevage. D’après les données de l’Agence bio, l’évolution de cheptel la plus significative se fait dans la Région Paca : +62 % de brebis laitières certifiées entre 2017 et 2018.
Du côté des chèvres, la couverture du territoire est plus uniforme. « La Nouvelle-Aquitaine et les Pays de la Loire, principaux bassins de production du lait de chèvre en France, regroupent ensemble 33 % des chèvres bio sur seulement 20 % des exploitations détentrices », explique l’Idele. Les systèmes livreurs n’y sont pas tous concentrés, mais ces régions hébergent les plus importants cheptels (supérieurs à 100 têtes) tout comme le département de l’Aveyron.
Malgré tout, le cheptel reste assez dispersé et les départements de la Drôme, des Deux-Sèvres, de la Vienne, de la Lozère, de la Dordogne, de l’Ardèche et du Maine-et-Loire recensent les plus importants effectifs.
Le plafond de verre
En termes de débouchés, le panel Iri évoque une progression des ventes de fromages de chèvre et brebis bio en grandes surfaces de l’ordre de 36 % en volume entre 2017 et 2018. L’ultra-frais remporte également un franc succès. « 30 à 40 % des livraisons de lait de brebis bio sont transformés en ultra-frais », estime Benoît Baron. Un ratio bien plus important qu’en conventionnel.
FranceAgriMer estime de son côté qu’un yaourt au lait de brebis sur deux serait bio. Triballat, Petit Basque (ultra-frais) et Lactalis (fromage) sont les principaux acteurs de cette branche bio, avec plus de 70 % de la collecte nationale. Depuis 2019, le panel Iri fait néanmoins état d’une baisse significative des ventes de roquefort bio et d’une stagnation sur le segment des yaourts au lait de brebis bio.
Dans les deux filières, le marché est peut-être arrivé à maturité.Benoît Baron, Institut de l’élevage (Idele).
Triballat collecte également du lait de chèvre bio, presque 20 % des volumes français, mais Chèvre bio de France/La Lémance et Agrial/La cloche d’or caracolent en tête avec environ 60 % de la collecte nationale. La filière se développe et la gamme produits s’étend mais « il semblerait toutefois que les opportunités en termes de débouchés soient moins prometteuses pour les années à venir, le marché approchant désormais la saturation », souligne l’Idele.
Le nombre encore limité d’opérateurs engagés sur le lait bio de petits ruminants serait donc une force plus qu’une faiblesse pour la filière.