« Nous sommes dans une économie de guerre, lâche Josselin Saint-Raymond, le directeur de l’Association nationale pommes poires (ANPP). C’est la crise la plus grave qu’on ait à affronter. Durant la Seconde Guerre mondiale, la population rurale était plus nombreuse, le travail pouvait continuer à se faire. Aujourd’hui, la part de la population qui s’occupe de la production agricole est faible. »

Pénurie de main-d’œuvre

La filière de la pomme a besoin de 100 000 saisonniers étrangers pour assurer la récolte. À court de bras dans les vergers, mais aussi dans les stations de conditionnement, la filière doit s’adapter. « Certaines stations voient leur main-d’œuvre disponible baisser de 20 à 25 %, d’autres jusqu’à 50 %, rapporte le directeur de l’ANPP. Notre priorité est d’abord la sécurité. Nous avons simplifié notre organisation et avisons selon les données quotidiennes pour maintenir nos activités en interne. »

 

« Nous faisons face à une situation inédite, partagée entre le devoir de nourrir les Français et l’inquiétude d’assurer la sécurité de nos collaborateurs, renchérit Daniel Sauvaitre, le président de l’ANPP et arboriculteur. La pomme est un produit qui se stocke et se conserve. Elle pourrait devenir le fond de rayon et de cabas des consommateurs », relativise-t-il en comparaison des produits plus périssables comme les fraises ou les asperges.

Coûts de transport en hausse

C’est sans compter sur les difficultés logistiques : les retours de camions à vide entraînent une hausse du coût de transport de moitié, qui risque à terme de se répercuter sur le prix des pommes. « On risque également de voir apparaître des inégalités d’approvisionnement dans les supermarchés selon les régions. Certaines sont plus désorganisées que d’autres », poursuit Daniel Sauvaitre.

Garder la marchandise ou l’envoyer chez le voisin ?

Avec une production annuelle de 1,6 million de tonnes, la filière exporte environ 500 000 t chaque année. « 80 % de nos volumes exportés servent à nourrir la population européenne, avec des clients comme la Grande-Bretagne qui achète 120 000 t, l’Allemagne qui en prend 40 000 t, ou encore l’Espagne, poursuit Josselin Saint-Raymond. En ces temps de crise, la solidarité doit-elle être nationale ou européenne ? »

 

Le flux de commandes est d’ailleurs supérieur. « On a eu un gros rush avant le confinement, des achats de précaution importants », ajoute-t-il. La plus faible disponibilité des emballages perturbe aussi le conditionnement. « Nous avons demandé une souplesse de la part de nos clients de la distribution. Nous faisons notamment des séries plus longues, allons vers des unités de logistique de plus grandes tailles. Les clients acceptent d’être livrés dans des emballages qui ne sont pas les bons. »