À quoi sert Seine Grands Lacs ?

C’est un établissement public territorial de bassin (EPTB) qui intervient à tous moments de l’année sur dix-neuf départements, quatre régions pour protéger les habitants des inondations et maintenir le débit d’étiage de fleuves comme la Seine, la Marne, l’Aube, l’Yonne. Par l’intermédiaire de quatre grands lacs réservoirs qui retiennent à peu près 850 millions de m³, nous écrêtons les crues et évitons qu’elles déferlent sur les villes-aval, notamment sur les habitants en zone inondable. Le plus grand des quatre, celui du Der-Chantecoq, contient 340 millions de m³ sur 4 800 ha, ce qui en a fait pendant longtemps le plus grand lac artificiel d’Europe.

De 65 à 70 % de l’eau qui coule l’été dans la Seine viennent des grands lacs et c’est même plus de 70 % pour la Marne. Pour donner une image, si on fermait les vannes à cette période, les bateaux-mouches parisiens et les péniches ne pourraient plus circuler ! Grâce à ce système, on a pu faire face à la sécheresse de 2022 sans difficulté.

Serait-il possible de creuser ces lacs aujourd’hui ?

Non, l’évolution des mentalités et d’une certaine conception de l’écologie fait que cela créerait plus de problèmes que l’on pourrait en résoudre. Il y aurait des oppositions telles qu’on n’arriverait pas à le faire.

Pourtant, ils empêchent que les habitants soient inondés ?

Le problème, ce n’est pas la vocation, c’est le fait de creuser ces réservoirs sur plusieurs millions de mètres carrés.

En quoi Seine Grands Lacs concerne-t-il aussi l’agriculture ?

Nous considérons que le dispositif de protection n’est pas suffisant et que l’on peut encore l’améliorer en développant des zones d’expansion de crues (Zec) le long de fleuves comme l’Yonne, la Marne, le Loing, la Seine, etc. et même de petites rivières. Il s’agit là aussi de retenir l’eau en amont. L’enjeu est fort car si on parvient à faire 100 Zec en cinq, six ans, on peut réduire une crue centennale de type 1910 en une crue de l’ampleur de 2016, voire de 2018, au pire. Je veux profiter de ma double casquette de président de Métropole Grand Paris et de Seine Grands lacs pour y parvenir.

La taxe Gemapi, que la métropole prélève chez 7 millions d’habitants, peut en effet servir à financer des indemnisations aux agriculteurs en cas de surinondation de leurs champs. Ce sont des accords à trouver sous forme de conventions pluriannuelles (au moins cinq ans), avec les chambres d’agriculture. On en a déjà signé une avec la chambre de l’Île-de-France et la FDSEA 77, où il est prévu forfaitairement 1 000 €/ha d’indemnité à la création d’une servitude de surinondation et une autre pour perte de récoltes, fonction de la culture implantée, en cas de mise en eau volontaire. Elle accompagne le projet de La Bassée dans la Seine-et-Marne, une retenue de 10 millions de m³ qui sera achevée en août 2024 et qui ajoutera 15 cm de protection nouvelle sur l’aval. À titre d’exemple, à Rueil, la ville dont je suis maire, avec 5 cm en moins par rapport à la crue de 2016, mes bas quartiers ne sont plus inondés. Même chose à Meudon.

Nos services techniques travaillent en ce moment sur des modèles de convention, avec comme base de discussion celle déjà signée en Seine-et-Marne, tout en essayant d’avoir les mêmes partout. On envisage aussi des changements de cultures, comme de passer de la luzerne à la silphie qui survit dans l’eau. Nous recensons les zones susceptibles de devenir des Zec et les cultures qu’elles portent dans un système d’information géographique.

Il s’agit pour nous de convaincre les agriculteurs de laisser rentrer l’eau sur leurs terres et de faire disparaître certains aménagements comme des digues ou des merlons. Je suis bien conscient qu’il y a toute une culture à changer.

Aurez-vous les moyens de votre ambition ?

La taxe Gemapi est actuellement de 2,73 € par foyer fiscal et par an pour une collecte de 20 millions d’euros. Si on double celle-ci, cela la fait passer à un peu plus de 5 €, cela reste très raisonnable. Je pense que les Grands Parisiens peuvent accepter de payer jusqu’à 10 €/an pour être encore mieux protégés contre les inondations.

(1) Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations.