« On note une recrudescence du taupin dans nos régions… Mais nos voisins plus à l’ouest comme en Bretagne sont encore plus impactés. Cela devient donc très difficile de produire de la pomme de terre », a fait part Sébastien Vast, responsable technique au Comité Nord Plants, en septembre 2023 lors d’une journée d’échange au lycée du Paraclet (80). Et Amandine Mollet, de la Fredon Hauts-de-France, d’ajouter : « le problème avec cet insecte, c’est qu’il a un cycle très long (jusqu’à cinq ans) avec des larves présentes par foyers dans le sol. La lutte est donc difficile ».
Les tubercules taupinés difficilement commercialisables
Arvalis rappelle d’ailleurs que pommes de terre primeurs, plants, consommation comme transformation sont exposées au risque d’attaques par les larves. Elles occasionnent des piqûres, morsures et galeries sur ou dans les pommes de terre. Les tubercules taupinés demeurent alors difficilement commercialisables, avec de fréquents refus de lots.
Actuellement, il n’existe plus beaucoup de spécialités homologuées. Pour la campagne à venir, les producteurs ne disposeront que de six solutions (à base de fosthiazate ou lambda-cyhalothrine, spinosad, Beauveria bassiana). De plus, ces dernières disposent d’efficacités partielles, « dues à l’application très précoce par rapport à l’activité « tardive estivale » des taupins et les faibles doses de substances actives », selon Arvalis. Il faut en effet enfouir préventivement les insecticides en localisé dans la raie de plantation. Au-delà de ce manque de spécialités, un travail du sol moindre, certains couverts et conditions climatiques favorisent aussi ce coléoptère.
Taupic
Le projet Taupic (1) lancé fin 2020 s’est terminé fin mars 2024. Il avait pour but d’améliorer la prévision du risque et trouver de nouveaux leviers pour la protection intégrée des pommes de terre contre les attaques de taupins du genre Agriotes sp. Plus de 350 enquêtes parcellaires ont d’abord permis d’accroître les connaissances sur les espèces mais aussi de développer de nouveaux outils moléculaires pour mieux les identifier.
Un volet important a évalué de nouvelles solutions de biocontrôle (champignons entomopathogènes, substances naturelles, extraits de plantes…) mais aussi des stratégies d’évitement par des mécanismes d’attractivité ou répulsivité. « Il ressort que le sarrasin au sein de la rotation réduit les pontes et donc les dégâts. Quant aux solutions de biocontrôle, en cas de forte pression leur efficacité est restée limitée », fait savoir Yves Le Hingrat, responsable scientifique d’Inov3PT.
Une lettre d’intention a donc été déposée dans le cadre du Parsada (2) pour continuer de travailler ce sujet sur pommes de terre et sur d’autres filières. « Nous sommes aussi en train de constituer un réseau international sur les taupins en pomme de terre pour recueillir plus d’informations sur l’ampleur du problème dans les différents pays, identifier les avancées de recherche et développer des collaborations pour gérer collectivement les soucis croissants de taupins », confie également le spécialiste.
1. Soutenu par l’UMT InnoPlant², il associe la Fédération Nationale des Producteurs de Plants de Pomme de Terre (FN3PT/inov3PT), porteur du projet, les organisations régionales de producteurs (Bretagne Plants/Bretagne Plants Innovation ; Comité Centre & Sud, Comité Nord), Inrae, Arvalis et la Fredon Hauts-de-France.
2. Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures.