Le bombardement par la Russie, dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 juillet 2023, d’infrastructures portuaires sur le Danube à Reni, frontalière avec la Roumanie et la Moldavie, à l’extrême sud-ouest de l’Ukraine, fait craindre le blocage de stocks céréaliers. Le prix du blé a immédiatement réagi. « Tout est lié à la guerre, a résumé Jon Scheve, de Superior Feed Ingredients. Les opérateurs fuient le risque jusqu’à ce qu’ils aient davantage de visibilité. »

Sur le marché à terme américain, le blé a grimpé de 60 centimes de dollar par boisseau par rapport à la veille sur l’échéance de septembre, limite maximale quotidienne autorisée. Il a ainsi atteint les 758 c, « au plus haut depuis cinq mois », selon le cabinet Sitagri. Sur Euronext à la même échéance, la tonne a gagné 17,50 euros pour s’afficher à 264,75 euros, un sommet plus fréquenté depuis près de quatre mois. Elle perdait en revanche 4,75 euros peu après 16 h mardi.

Ce bombardement fait suite à la suspension de l’accord russo-ukrainien sur les exportations en mer Noire et les frappes sur les infrastructures portuaires de la région d’Odessa, qui avaient déjà agité les marchés la semaine passée. Au-delà du mouvement de hausse, La Coopération Agricole métiers du grain avait alors relevé un « volume très important de contrats négociés », signe d’une anticipation d’un contexte plus qu’incertain.

Voie fluviale

L’importance du Danube comme voie de transport des produits agricoles ukrainiens vers l’étranger a été renforcée par l’invasion russe en février 2022. Cette voie fluviale est même devenue cruciale avec la suspension du corridor.

La Russie a indiqué qu’elle considérerait désormais comme des cibles militaires potentielles tous les navires se dirigeant vers les ports céréaliers ukrainiens de la mer Noire. En réponse, l’Ukraine a averti qu’elle estimait que tous les bateaux se dirigeant vers les ports contrôlés par Moscou pouvaient être chargés de matériel militaire, « avec tous les risques associés ». « Si les Ukrainiens répliquent » aux bombardements sur leurs infrastructures de transport, « les Russes vont devoir emprunter d’autres routes [que la mer Noire} pour exporter », prévient Jon Scheve, au risque de créer des perturbations supplémentaires sur le marché mondial.

28 % des exportations mondiales

Lors de la dernière campagne précédant la guerre, l'Ukraine et la Russie assuraient, à elles deux, un quart des exportations mondiales de blé. La Russie s’étant substituée à l’Ukraine pour une partie importante de ces volumes, les deux pays en guerre ont même vu leur part grimper à 28 % après le début du conflit, lors de la campagne de 2022-2023. Déjà en chute de près de 11 %, les exportations ukrainiennes devraient connaître un nouveau repli de 37 % lors de la campagne de 2023-2024, selon les estimations du ministère américain de l’Agriculture (USDA).