La production et l’utilisation des engrais, indispensables à la sécurité alimentaire mondiale, représentent quelque 2,6 milliards de tonnes équivalent CO2, soit environ 5 % des émissions annuelles mondiales de gaz à effet de serre (GES), selon une étude diffusée le 9 février 2023. Cette proportion est comparable à celle de la métallurgie (7 %), du ciment (6 %) ou du plastique (4 %), autres gros émetteurs de l’économie mondiale.

Étude sur le cycle de vie complet

L’étude, publiée dans Nature Food, se présente comme le « premier bilan carbone précis sur le cycle complet » (production et usage) des engrais, aussi bien minéraux qu’organiques (fumier, lisier…). Les chercheurs de l’université de Cambridge ont pour cela cartographié les flux mondiaux d’engrais azotés de synthèse et organiques et leurs émissions de GES correspondantes. Ils ont ensuite exploré le potentiel d’atténuation maximal de diverses pistes techniques et politiques pour réduire les émissions de 80 % d’ici à 2050, sans compromettre l’alimentation de l’humanité.

Les auteurs soulignent avoir découvert que la majorité des émissions liées aux engrais (deux tiers) provient de leur utilisation dans les champs. Le tiers restant est émis au cours de la production des engrais minéraux.

« On a tendance à penser que l’industrie pétrochimique est à l’origine de l’essentiel des émissions [des engrais], mais en fait cela ne semble pas être le cas, cela nous a beaucoup surpris », a confié à l’AFP le coauteur de l’étude, Andre Cabrera Serrenho. « Ces résultats sont déterminants car ils nous montrent dans quels domaines nous devrions agir en priorité », a-t-il ajouté.

Augmenter l’efficacité de l’épandage

Ainsi, le premier moyen de réduire les émissions consisterait à augmenter l’efficacité de l’épandage des engrais, aussi bien organiques que minéraux, et à en réduire les quantités. « Nous mettons beaucoup plus d’engrais dans les terres cultivées que la quantité d’azote vraiment nécessaire aux plantes pour se développer », a souligné M. Serrenho.

Lors de l’utilisation, les principales émissions proviennent de la dégradation des engrais par les bactéries du sol, qui produit du protoxyde d’azote, l’un des plus puissants gaz à effet de serre. Mais l’action des bactéries pourrait être limitée en mélangeant les engrais avec « des produits chimiques appelés inhibiteurs de nitrification », encouragent les auteurs.

Convaincre les agriculteurs d’utiliser les engrais de manière plus efficace — par exemple, avec de petites quantités régulières au lieu de pulvériser de grandes doses une fois par saison — nécessitera aussi des incitations économiques, concluent les chercheurs.

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Décarbonation de l’industrie des engrais

Du côté de la production d’engrais minéraux (utilisés pour nourrir la moitié de l’humanité selon de précédentes études), les émissions sont principalement causées par la synthèse de l’ammoniac, très énergivore.

Le processus nécessite aussi de l’hydrogène, souvent produit à partir d’énergies fossiles, notent les auteurs qui comptent sur l’électrification et la décarbonation de cette industrie pour atteindre les objectifs de réduction des émissions.

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