« D'un côté, on nous demande de produire plus de fruits et légumes pour reconquérir de la souveraineté alimentaire et, de l'autre, on nous enlève de l'eau nécessaire à leur irrigation. Il y a un problème ! », dénonce David Massot, arboriculteur à Corbère-les-Cabanes, dans les Pyrénées-Orientales, et président de l'Association syndicale autorisée du canal de Thuir. Grâce au barrage écrêteur de crues de Vinça, sur la Têt, l'agriculture dispose pourtant d'une réserve de 17 millions de m³ alimentée par la fonte des neiges, qui permet d'alimenter les canaux d'irrigation l'été tout en soutenant l'étiage.

Mais celui-ci reste insuffisant pour les associations de protection de la nature. France Nature Environnement a ainsi attaqué en justice les arrêtés de modulation du débit d'étiage pris depuis 2017 par le préfet afin de concilier les différents usages de l'eau. Le 29 novembre, le tribunal administratif de Montpellier a donné raison à l'association. Le débit minimum d'étiage doit ainsi remonter de 1 200 l/s à 1 500 l/s et ne peut plus être modulé en dessous de ce seuil.

Des rendements diminués

« En 2022, nous avons réussi à irriguer tout en réduisant nos prélèvements journaliers. Avec ces nouvelles règles, nous n'aurions pas pu conserver l'arrosage quotidien nécessaire au goutte-à-goutte », note David Massot. C'est ce qui est arrivé aux agriculteurs de la vallée voisine du Tech, qui ne disposent pas de réserves d'eau.

« Pour éviter de devoir arrêter complètement d'arroser, il a fallu réduire très fortement les prélèvements avec des jours sans irrigation », relève Baptiste Cribeillet, arboriculteur en bio à Saint-Génis-des-Fontaines et vice-président de l'Association des canaux de la vallée du Tech. Cela a entraîné des pertes de calibre et de rendement. « Pour éviter que cela se reproduise, nous allons étudier la possibilité de créer des réserves hivernales, avec l'appui du département et de la Région Occitanie », affirme-t-il.

Dans la vallée de la Têt, les agriculteurs espèrent que le préfet va faire appel du jugement. Préserver la vie aquatique tout comme l'eau potable est indispensable, mais produire des fruits et légumes aussi. « Nous devons trouver un compromis, d'autant plus que l'eau circulant dans les canaux secondaires, une fois les réseaux sous pression alimentés, contribue au rechargement des nappes », souligne David Massot.