Gérald Darmanin et "l’écoterrorisme", Yannick Jadot micro à la main, Élisabeth Borne "choquée", La France Insoumise vent debout, ou encore Marc Fesneau et d'autres ministres, députés ou élus face à la caméra. Le projet de réserves d’eau à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, d’initiative agricole, a pris un virage politique cette semaine.

En cause, la manifestation des 29 et 30 octobre 2022 à l’appel notamment des collectifs "Bassines Non Merci" et "Le soulèvement de la Terre" qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes. Si chacun défend ses positions, les syndicats appréhendent de manière "positive" l’ampleur politique qui a découlé de ces journées.

Tant pour la Confédération paysanne qui espère que "ça donnera un éclairage national" à leur lutte contre les "méga-bassines", que pour la FNSEA qui souhaite une prise de conscience des pouvoirs publics sur la pérennité d’un tel projet.

Une manifestation qui tourne à l’affrontement

Tout est parti du rassemblement samedi 29 octobre 2022 à Sainte-Soline de quelque 4 000 personnes selon les autorités, 7 000 selon les organisateurs. Malgré l’interdiction préfectorale de manifester et le déploiement de 1 600 gendarmes, les opposants au projet de réserves d’eau ont pénétré sur le chantier. S’en sont suivis de "violents" heurts entre militants et forces de l’ordre, qui ont suscité des réactions politiques en chaîne.

Comme le rappelle l’AFP le 2 novembre 2022, la "bassine" de Sainte-Soline, surnom donné par les militants, est l’une des seize réserves de plusieurs centaines de milliers de m3 qui doivent voir le jour dans les Deux-Sèvres. Élaboré par un groupement de 400 agriculteurs réunis au sein de la Coop de l’eau, le projet vise à rendre disponible de l'eau pour l'irrigation durant l'été par le pompage des nappes phréatiques superficielles en hiver.

"Les politiques ont le goût du sang"

"On sent bien que ça a pris un écho, une ampleur, et de fait, c’est un peu chagrinant, commente Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne interrogé par La France Agricole. Car on a l’impression que les journalistes et les politiques ont le goût du sang. Avant cette manifestation, ça ne les intéressait pas. Cela fait pourtant une quinzaine d’années qu’on est mobilisé contre ces méga-bassines."

De son côté, Étienne Gangneron, vice-président de la FNSEA également interrogé par La France Agricole, se dit d’abord "heurté par la présence de députés de la République parmi les militants. Ça fait quand même peur, les agriculteurs sont dans l’incompréhension." Une position que rejoint la Coordination rurale

Un écho politique vu d’un bon œil par les syndicats

Pour autant, FNSEA et Confédération paysanne voient d’un bon œil l’ampleur politique qu’ont prise les événements. "Cela pousse à une prise de conscience, considère Étienne Gangneron. Je reste sur une version positive. L’extrémisme et la radicalité de certaines personnes vont provoquer un déclic de la part des pouvoirs publics, et on le demande depuis déjà un moment. Il espère ainsi pouvoir "enfin expliquer le principe vertueux d’une réserve d’eau agricole. Car jusqu’à présent, estime-t-il, cela a été mal expliqué aux citoyens."

Nicolas Girod reste lui aussi sur une note positive de cet écho politique, car "ça donnera un éclairage national à la lutte." Pour autant, il "aimerait bien que cela se fasse sur le fond du projet plutôt que sur l’aspect écoterrorisme et violences qui envoient de très mauvais signaux." Mais à l’inverse de la FNSEA, la Confédération paysanne juge cette solution d’irrigation "court-termiste et très égoïste car ces méga-bassines dans les Deux-Sèvres seront bénéficiaires pour seulement 6 % du monde agricole."

Un "écoterrorisme" qui divise

En marge des manifestations à Sainte-Soline, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a utilisé le terme "écoterrorisme" pour qualifier les violences. Terme repris par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau lundi matin au micro de RMC qui a estimé que "quand vous exercez de la violence pour faire valoir vos idées, il me semble que la terminologie n’est pas fausse."

Des propos qui ne choquent pas Étienne Gangneron. Car, "s’il n’y a pas eu d’otage, réagit-il, on n’est pas loin de l’attentat. Psychologiquement, on a des témoignages d’agriculteurs qui sont détruits. Ils ont vu leur parcelle piétiner pendant deux jours". Pour Nicolas Girod, qui a pris part aux manifestations avec son syndicat, "le terme est particulièrement violent et déplacé. À un moment donné, les terroristes du climat, ils sont aussi dans l’inaction du pouvoir. Quitte à ce qu’il y ait un écho politique [aux manifestations], ajoute-t-il, on a sollicité un rendez-vous avec Élisabeth Borne. On attend de voir la suite, mais elle doit se jouer autour d’une table avec la préfète, avec Matignon, avec l’ensemble du mouvement agricole, écologique et territorial. "