Le soja US chute cette semaine entrainant avec lui le maïs et le colza. Le blé et l’orge français gagnent à nouveau en compétitivité par rapport aux origines mer Noire, mais la demande est peu présente pour le moment.
Blé : des prix français en baisse, plus compétitifs
Les retours sur la bonne récolte française, désormais estimée à 39 millions de tonnes, exercent une pression sur les prix du blé français. Le blé meunier perd 1,75 €/t cette semaine rendu Rouen. La baisse est encore plus marquée traduite en dollars (-3 $/t à 191 $/t Fob Rouen). En effet, l’annonce de la baisse des taux d’intérêt par la Réserve fédérale américaine mercredi a accentué le repli de l’euro face au dollar. L’euro est au plus bas depuis deux ans face à la monnaie américaine.
Aux États-Unis, le prix du blé SRW (qualité meunière moyenne) se stabilise cette semaine, après plusieurs semaines de baisse continue (-12 $/t en un mois, à 212 $/t) tandis que le HRW (haute qualité) perd 6 $/t (à 200 $/t) cette semaine. Les bons retours sur la récolte US des blés d’hiver et sur le développement des blés de printemps pèsent sur les prix US cette semaine encore.
Du côté de la Russie, les prix se raffermissent. La récolte progresse et les situations demeurent contrastées suivant les régions. Les rendements en région Central sont légèrement supérieurs à l’an dernier, tandis qu’ils sont inférieurs en Volga. Les pluies affectent les régions centrales pouvant dégrader la qualité des grains et, dans le même temps, la situation se détériore encore en Sibérie à cause du manque de pluie. À 190 $/t, le blé meunier russe à 11,5 % de protéines ne garde qu’un très léger avantage de prix sur le blé français. Le blé meunier français est quant à lui 4 $/t moins cher que le blé meunier russe à 12,5 % de protéines (191 $/t contre 195 $/t). Même le blé fourrager ukrainien gagne 2 $/t depuis la semaine dernière. À 189 $/t, la différence de prix avec le blé français s’amenuise.
Ce regain de compétitivité est nécessaire car la France a nettement moins exporté au cours du premier mois de campagne que l’an dernier avec seulement 223 000 t de chargement portuaire en juillet contre 622 000 tonnes à la même date en 2018, principalement à destination de l’Algérie (170 000 tonnes). Par ailleurs, l’OAIC (Office algérien interprofessionnel des Céréales) a acheté 570 000 tonnes de blé meunier pour une livraison en septembre. La majorité des volumes pourrait provenir de France (prix : 215,50 $/t CAF).
À l’échelle de l’UE, les exportations vers pays tiers sont également peu dynamiques sur le début de campagne : selon les données Taxud (données hebdomadaires de la Commission européenne), l’UE aurait chargé 0,8 million de tonnes vers les pays tiers au cours du mois de juillet contre 1,4 million de tonnes l’année dernière sur la même période.
Orge : va-t-on crouler sous l’orge ?
Les estimations de récoltes en mer Noire continuent d’être révisées en hausse, notamment au Kazakhstan et en Russie, à un peu plus de 30 Mt en forte hausse de 2 Mt par rapport à la récolte 2018. En France également, les rendements d’orge sont révisés à la hausse (en hiver comme en printemps) et la production française d’orge serait en passe de dépasser le record de 2015 (12,9 Mt). L’orge française Fob Rouen a reculé au cours de la semaine de 2 $/t à 178 $/t, alors même que l’orge ukrainienne s’est renchérie de 5 $/t à 185 $/t, sous l’effet de la rétention des agriculteurs. Les retours de récoltes ont pesé sur les prix français qui ont plus que résisté à la poussée haussière de la mer Noire.
Les ports français chargent actuellement de l’orge fourragère et brassicole vers la Chine et le Mexique. Sur juillet la France a exporté environ 280 000 tonnes vers la Chine, soit un niveau équivalent à juillet 2018. Sur les tout premiers jours d’août, 60 000 tonnes supplémentaires sont attendues. Au cours de la campagne de commercialisation 2018/19, la Chine a été le principal débouché pour les orges françaises, devançant très légèrement l’Arabie Saoudite. Espérons que la campagne 2019/20 permettra à la France de maintenir ce débouché, malgré la baisse drastique des cheptels porcins consécutive à la présence de la fièvre porcine africaine et alors que les disponibilités françaises s’annoncent très importantes. Ce scénario va être difficile à tenir car la Chine vient d’autoriser l’importation d’orges russes.
Pour les orges de brasserie, celles de printemps sont cotées à 171 €/t Fob Creil et celles d’hiver à 163/164 €/t (à un niveau équivalent à la semaine dernière). Cette année, un travail important d’allotement va être nécessaire tant la qualité est hétérogène (protéines basses), ce qui pourrait différer une partie des affaires.
Maïs : la concurrence de la mer Noire
Le soja US a entraîné dans sa chute les prix du maïs dans un contexte de guerre commerciale entre Chine et États-Unis qui peine à se résoudre et l’annonce du président Trump d’une extension des droits de douanes à toutes les importations chinoises à partir de septembre. Ainsi, les prix US de maïs perdent 12 $/t cette semaine à 184 $/t Fob, au plus bas depuis fin mai, en l’absence de nouvelles alarmantes sur l’état des cultures. Le marché a déjà « digéré » la chute prévue de la récolte américaine de maïs et attend maintenant les résultats de la seconde enquête sur les surfaces emblavées qui seront publiés le 12 août prochain par le ministère de l’Agriculture (USDA). Les maïs sud-américains perdent 7 $/t également, à la suite du maïs US et sous la pression de la nouvelle récolte alors que la demande mondiale est peu présente. Les fabricants d’aliments asiatiques sont en effet peu couverts en raison de la propagation de la fièvre porcine et s’approvisionnent de la main à la bouche.
La plus forte baisse cette semaine concerne le maïs français qui perd 19 $/t (à 187 $/t Fob) suite au nouveau recul de l’euro face au dollar et à la diminution des prix en euros (-6 €/t pour le Fob Bordeaux à 173 €/t en nouvelle récolte). Le maïs français fait face à une compétition importante de la part des maïs de la mer Noire (bulgares, roumains et ukrainiens) pour l’exportation vers les autres pays de l’UE. Les maïs dans cette zone de la mer Noire bénéficient de très bonnes conditions de développement, contrairement aux maïs français.
Le soja en nette baisse
Le conflit commercial entre les USA et la Chine pèse de nouveau sur le marché du soja. Les négociations menées depuis des mois entre les représentants des deux pays n’ayant pas abouti, le président américain a donc annoncé hier des nouvelles sanctions commerciales contre la Chine. Ce dernier estime que les promesses de la chine d’acheter davantage de produits agricoles américains n’ont pas été tenues. Dans une série de tweets publiés hier, Trump précise également que les négociations commerciales devraient se poursuivre mais que, en attendant, les États-Unis imposeraient dès le 1er septembre des droits de douane de 10 % sur les 300 milliards de dollars restants de produits chinois importés par son pays.
Côté cultures, le développement des sojas se déroule dans des conditions meilleures que prévues. De plus, les prévisions météo sont plutôt favorables pour les prochains jours. La récolte pourrait donc baisser moins fortement que prévu. D’autre part, le rapport hebdomadaire sur les ventes de produits agricoles publié jeudi par l’USDA n’a apporté aucun soutien aux prix avec des ventes jugées faibles. Sur une semaine, le soja US cède donc 13 $/t à 311 $/t, son plus bas niveau depuis mai.
Le colza français résiste
Malgré le recul des cours d’huile de palme depuis la semaine dernière et la tendance baissière du complexe soja, les prix du colza français n’ont que légèrement baissé. Ils reculent de seulement 1 €/t en Fob Moselle et à Rouen. Le prix à terme s’est montré plus sensible au contexte mondial, il perd environ 4 €/t à 376,25 €/t sur Euronext. La récolte européenne reste attendue à son plus bas niveau depuis 2006, ce qui soutient les cours.
Du côté de la demande, la décision de la Commission européenne d’appliquer une taxe provisoire sur les importations de biodiesel indonésien a soutenu le prix d’huile (malgré le recul de l’huile de palme), et par ricochet celui de la graine.
Le colza français bénéficie également d’une nouvelle baisse de l’euro face au dollar US résultat de la décision de la banque centrale américaine de baisser son taux d’intérêt directeur.
Le tournesol en légère hausse
Le prix du tournesol français nouvelle récolte gagne 5 €/t depuis la semaine dernière à 325 €/t à Saint-Nazaire face à une demande industrielle soutenue associées aux craintes liées à l’impact du déficit hydrique sur le volume de la nouvelle récolte. En mer Noire, le prix du tournesol est resté stable à 370 $/t, tiraillé entre le ralentissement de la demande à l’exportation et le renchérissement du prix de l’huile. Les prix intérieurs ukrainiens cèdent du terrain en raison de la baisse de la demande des triturateurs, ces derniers disposent des stocks suffisants d’ici l’arrivée de la nouvelle récolte.
Le tourteau de soja suit la graine, le pois presque stable
À Chicago, le prix du tourteau de soja est en nette baisse depuis la semaine (-12 $/t à 323 $/t). Ce fort recul s’explique par la baisse de la graine américaine pénalisée par les tensions commerciales. En France, le tourteau de soja cède 3 €/t à 322 €/t dans le sillage de l’origine US. Le prix du pois est presque inchangé depuis la semaine dernière, il cède 1 €/t à 190 €/t.
À SUIVRE : avancée et qualité des récoltes en mer Noire et UE, conditions climatiques européennes et nord-américaines pour le maïs et le tournesol, conflit commercial entre USA et Chine, évolution du taux de change euro/dollar, publication par l’USDA des surfaces semées en maïs et soja le 12 août.