Insecticide utilisé dans les bananeraies aux Antilles, le chlordécone a été autorisé par la France jusqu’en 1993, soit près de 20 ans après que les États-Unis l’eurent interdit en raison de sa dangerosité, en 1976. Connu pour sa persistance dans le sol pouvant aller jusqu’à sept siècles et le risque de contamination des aliments, le chlordécone est suspecté d’avoir des effets toxiques pour l’Homme. L’autre molécule en question, le paraquat, est un herbicide interdit depuis 2007.
Obtenir des réponses
C’est dans ce contexte que les députés socialistes ont demandé, mardi 14 avril, une commission d’enquête pour obtenir des réponses sur « les responsabilités dans l’autorisation de ces produits », l’évaluation « des politiques publiques de recherche et de décontamination » et « les modalités d’indemnisation » des victimes. À la fin de septembre aux Antilles, Emmanuel Macron expliquait que l’État devait « prendre sa part de responsabilité » dans cette pollution et « avancer sur le chemin de la réparation. »
« Il faut répondre à la psychose collective qui s’installe, laisser la parole aux scientifiques », a affirmé Hélène Vainqueur-Christophe, député de la Guadeloupe. Selon une source de l’AFP, une information judiciaire sur le chlordécone est en cours depuis novembre 2007 à Paris, pour « mise en danger de la vie d’autrui par violation manifeste et délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence », « administration de substances nuisibles » et « tromperie sur la qualité substantielle et le risque inhérent d’une marchandise. » Ces poursuites pourraient rendre la demande ou une partie de la demande des socialistes irrecevable.
Une population contaminée
« Nous sommes face à un drame sanitaire, a déclaré Serge Letchimy, député de la Martinique. Plusieurs années après, nous constatons que 50 % des terres martiniquaises et guadeloupéennes sont polluées. Une étude récente a montré que les risques de récidive du cancer de la prostate sont trois fois supérieurs pour quelqu’un touché par le chlordécone, et des institutions nationales disent que 95 % des Martiniquais et Guadeloupéens sont contaminés. »
Depuis 2008, plusieurs plans chlordécone ont été mis en place pour évaluer la pollution et protéger la population. Selon Serge Letchimy, ce sont 12 000 employés agricoles qui ont été exposés aux risques et 750 000 personnes contaminées par l’alimentation qui devront être prises en compte pour l’indemnisation. Outre les problèmes sanitaires, les conséquences du produit sont aussi économiques pour les exploitants aux sols contaminés et les pêcheurs. « La moitié des côtes antillaises ont été interdites à la pêche », contaminées par des écoulements d’eaux pluviales, a indiqué l’élu.