Ils ont retiré les panneaux de leurs communes rurales et les ont apportés à Lyon, le 18 novembre 2024, au pied des parlementaires conviés. Ils sont une douzaine d’agriculteurs, éleveurs, céréaliers et arboriculteurs dans le Rhône, à voir dans les négociations avec le Mercosur une « ultime provocation », selon les mots d’Élise Michallet, présidente de la FDSEA.
« On ne peut pas brader notre souveraineté alimentaire »
« On avait exigé une simplification dont on attend encore les effets, poursuit-elle, et malgré la pause promise sur le plan Ecophyto, on nous annonce le retrait en France de trois nouvelles molécules ! On arrive au bord de l’incapacité technique, avec des récoltes en berne, un climat ravageur et des maladies galopantes. » Et d’enchaîner : « On ne peut pas brader notre souveraineté alimentaire en acceptant que le Mercosur nous inonde avec des milliers de tonnes de viande bovine, de poulets et de maïs produits avec des méthodes interdites chez nous. »
Administrateur à Interbev, Pascal Riche appuie : « Les cours ont augmenté du fait de la décapitalisation du cheptel. Mais on ne doit pas les laisser redescendre car les charges des éleveurs ont augmenté aussi, et le manque de volume fragilise déjà des abattoirs. Et en même temps, on va importer de la viande sans réelle traçabilité et qui autorise tout ce que l’on interdit en France ! »
Ce jeune retraité s’estime chanceux que son fils ait repris son élevage allaitant. « Mais on n’installe pas des jeunes pour qu’ils arrêtent après dix ou quinze ans. Il faut leur donner des perspectives. Or malgré les promesses de l’hiver dernier, rien n’avance. Donc le ras-le-bol est tel qu’on aurait bougé même sans le Mercosur. »
Les impasses techniques des filières végétales
Les filières végétales sont aussi touchées. « En fruits et légumes, on a de plus en plus de maladies venues de l’étranger, et de moins en moins de moyens de lutte, témoigne Bruno Ferret, arboriculteur et maraîcher. Le retrait annoncé de la lambda cyhalothrine nous mettra en position intenable, et on va faire produire nos pommes, pêches et abricots dans des pays européens qui continuent à l’autoriser ! »
« C’est comme si on voulait tuer notre métier, insiste-t-il. On n’a aucune visibilité alors qu’on est tous endettés après avoir beaucoup investi pour respecter des mesures environnementales : un nouveau pulvé pour le respect des ZNT, un camion électrique pour livrer les marchés urbains en “zone à faible émission”, le bâchage des cerisiers contre la drosophile… »
Céréalier bio, Samuel Douville enchaîne : « Il y a un souci de coûts de production en bio comme en conventionnel, mais ce qui nous manque le plus, ce sont des marchés. La loi Egalim qui nous en avait promis n’est pas appliquée. »
Mobiliser les agriculteurs européens
En face, les cinq députés et trois sénateurs présents acquiescent et promettent un soutien sans faille et transpartisan, à la fois contre le Mercosur et pour faire avancer les dossiers nationaux. « Pour le Mercosur, la France s’est déjà positionnée contre, mais il faut que vous mobilisiez vos confrères des autres pays : il y a une carte à jouer en Allemagne où des élections auront lieu en mars prochain », glisse le député Jean-Luc Fugit. Son confrère Thomas Gassiloud appuie : « Nous sommes avec vous mais dans cette mobilisation, nous devons tous envoyer une image positive de l’agriculture. »
Tout en réaffirmant la responsabilité du syndicat, Elise Michallet prévient que « la mobilisation ira crescendo jusqu’à ce qu’on obtienne satisfaction ». Elle sera ce soir auprès d’un des onze « feux de la colère » qui seront allumés dès 19h30 dans le département. Quant à donner une image positive du métier, oui mais « désolé, j’ai du mal à avoir le sourire quand je me lève le matin », lâche Bruno Ferret.