Fourniture en azote, maîtrise de l’enherbement, limitation de l’érosion… Associer une culture avec une légumineuse permanente promet de nombreux bénéfices agronomiques. Mais en l’absence d’intervention, elle est rapidement étouffée, ce qui limite notamment le développement de la technique en agriculture biologique, qui ne dispose pas de levier chimique.

Un nouvel outil mécanique ouvre cependant des perspectives intéressantes. « En collaboration avec la société Eco-mulch, qui a répondu à notre demande, nous avons développé un broyeur interrang qui permet de travailler sur des interlignes étroites », déclare Régis Hélias, ingénieur Arvalis, à l’origine de cette initiative. Guidé par RTK avec une précision de 2 à 3 cm, l’outil permet, par exemple, de broyer de la luzerne entre des rangs de blé semés à 30 cm d’écartement, avec un débit de chantier de 10 km/h. Les deux espèces sont ainsi séparées dans l’espace et l’exploitant peut intervenir sur l’une sans toucher la deuxième.

Rotations « à l’envers »

« En 2019, les tests de faisabilité sur 5 000 m² ont donné des résultats très intéressants, notamment en blé dur semé sous couvert de luzerne. » Avec un rendement de 32 q/ha et un taux protéique de 13,3 %, la céréale a profité des apports azotés de la légumineuse. Celle-ci a été broyée deux fois (au stade 1 nœud du blé et trois semaines après).

Quels mélanges d’espèces et de variétés ? Quelle application au colza, au soja, au maïs ? « Un tel outil ouvre des perspectives très larges et pose de nombreuses questions, déclare l’ingénieur. On en a pour trente ans ! »

Il estime, par ailleurs, que les rotations sont à raisonner « à l’envers ». « Dans un système classique, les cultures très exigeantes en azote sont implantées juste après la tête de rotation, rappelle Régis Hélias. Mais dans le cas de semis dans un couvert permanent, qui se met en place petit à petit et fournit de plus en plus d’azote, les espèces peu demandeuses doivent être replacées au début. Lors du retournement de la légumineuse, des cultures très exigeantes comme du blé de force, du blé dur ou des maïs à gros potentiel peuvent trouver leur place. »

Coût à l’achat, utilisation de carburant, diminution des achats de matières fertilisantes… L’évaluation économique n’a pas encore été réalisée. « Mais ce qui est encourageant, c’est que les agriculteurs sont très intéressés et se projettent dans l’utilisation de la technique », s’enthousiasme l’ingénieur. Cette dernière intrigue aussi à l’étranger (Italie, Québec…), ainsi que le monde de la recherche.

Régis Hélias souligne toutefois un point de vigilance. « Il faut être très précis quant à l’attelage et au centrage de l’outil dès la première année, sans quoi des problèmes pourraient apparaître dans le futur. »