La nervosité s’est emparée des marchés ces dernières semaines, sur fond de tensions géopolitiques et de facteurs fondamentaux. Toutefois, la pression baissière demeure, portée par une demande mondiale timide et des niveaux de production globalement satisfaisants. Dans ce contexte, les prix des céréales européennes ont atteint de nouveaux plus bas sur Euronext.
Blé : des cours toujours en baisse
Le blé subit de plein fouet la pression exercée par le maïs et ne bénéficie pas de fondamentaux suffisamment solides pour inverser la tendance. Ainsi, le prix du contrat échéance septembre sur Euronext est revenu tutoyer les 190 €/t, atteignant un nouveau plus bas. Par effet de contagion, l’échéance décembre suit le mouvement, alimentant la spirale baissière.
Les opérateurs gardent un œil attentif sur la Russie, où la situation se clarifie progressivement. Les exportateurs, confrontés à un manque de volumes en raison notamment du retard des travaux agricoles dans le Centre et des faibles rendements dans le Sud, voient désormais la donne évoluer. Le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) maintient son estimation de production à 83,5 millions de tonnes, tandis que les opérateurs locaux se montrent plus optimistes. La Russie devrait rapidement retrouver un rythme d’exportation soutenu et capter une large part du marché mondial.
Récemment, les origines française et américaine ont profité des quelques déboires qualitatifs des blés baltes, ce qui a temporairement dynamisé la demande. Cette embellie reste ponctuelle, et il faudra rapidement que de nouveaux courants d’affaires émergent, notamment en France. À noter que les origines américaines figurent actuellement parmi les moins chères du marché mondial, mais la concurrence devrait s’intensifier avec l’arrivée des disponibilités en provenance de la mer Noire.
Sur le plan international, la demande chinoise continue d’alimenter les spéculations, bien que l’USDA reconduise ses prévisions d’importations à 6 millions de tonnes. Au-delà des dynamiques d’offre et de demande, la géopolitique vient également perturber les équilibres. La politique tarifaire incertaine de Donald Trump incite à la prudence, tout comme les rencontres annoncées avec les Européens, les Ukrainiens puis les Russes autour du conflit. Ces annonces soulignent l’instabilité de l’environnement actuel, à la mesure des enjeux.
Maïs : vers des rendements records aux États-Unis
Le maïs a été le principal catalyseur de l’accélération baissière des cours des céréales. Cette dynamique fait suite au rapport mensuel de l’USDA, qui anticipe une production américaine de 425,26 millions de tonnes, contre 398,93 millions de tonnes le mois précédent. Un rendement record de 188,8 boisseaux/acre, combiné à une hausse surprise des surfaces cultivées, propulse la récolte 2025 vers des niveaux inédits. Dans ce contexte, les prix mondiaux sont sous forte pression, et aucune origine ne parvient à résister.
En Europe, la montée des températures suscite des inquiétudes chez les producteurs. Les indices de végétation sont inférieurs à la normale dans l’Est du continent, tandis qu’en France, les conditions de culture se détériorent sous l’effet des températures caniculaires et du déficit hydrique. Le gouvernement américain a pris en compte ces éléments en révisant à la baisse de 2 millions de tonnes la production de la zone Union Européenne, désormais estimée à 58 millions de tonnes. De nouveaux ajustements pourraient suivre.
Du côté de la demande, l’intérêt reste soutenu, comme en témoignent les bons chiffres des exportations américaines. L’objectif d’exportation est relevé de 5,08 millions de tonnes, à 73,03 millions de tonnes. Par ailleurs, la politique énergétique du Brésil devrait conduire à une consommation domestique accrue, ce qui pourrait modifier les équilibres mondiaux dans les années à venir.
Colza : sous la pression de son cousin canadien
Le colza traverse une période mouvementée, fidèle à sa réputation. Après les interrogations sur les niveaux de production chez les principaux exportateurs, c’est désormais la géopolitique qui reprend le dessus.
La Chine a semé la panique sur le marché du canola en publiant les résultats de son enquête antidumping, lancée il y a quelques mois en réponse à la volonté du gouvernement canadien de taxer les véhicules électriques chinois. Les autorités chinoises ont ainsi décidé de mettre en œuvre des mesures antidumping provisoires, sous forme de dépôt de garantie.
À compter du 14 août 2025, les importateurs des produits concernés, dont le canola, devront verser aux douanes un dépôt de garantie de 75,8 %. Ce taux, particulièrement dissuasif, risque de ralentir voire d’interrompre les flux commerciaux entre les deux pays. Il n’en fallait pas plus pour provoquer une chute brutale des prix sur le marché de Winnipeg.
Sur le plan fondamental, c’est du côté de l’Ukraine que de nouveaux éléments émergent. Le gouvernement, suivi par les analystes locaux, révise à la baisse ses estimations de production de colza, certaines projections passant sous la barre symbolique des 3 millions de tonnes. En Europe, les récoltes touchent à leur fin, et l’USDA estime désormais la production à 19,65 millions de tonnes, contre 19,45 millions de tonnes le mois précédent.
Désormais, l’attention se tourne vers les semis, alors que la période propice vient de débuter. Une fois les travaux des champs achevés, c’est la météo qui deviendra le principal facteur de surveillance pour les opérateurs.
Soja : les prix du tourteau restent sur de faibles niveaux malgré le rebond
Le rebond des prix du soja amorcé en début de mois se confirme, sans pour autant faire oublier les niveaux de prix, toujours proches des plus bas observés depuis 2017. L’offre mondiale en graines de soja reste confortable : selon l’USDA, la production s’élève à 426,39 millions de tonnes, avec des stocks de début de campagne estimés à 125,19 millions de tonnes.
Le complexe soja a montré des signes de fermeté aux États-Unis lors des dernières séances à la Bourse de Chicago. Une fois encore, c’est sur les réseaux sociaux de Donald Trump que l’explication a été trouvée : le président américain a affirmé que la Chine devrait quadrupler ses achats de soja américain. Il n’en fallait pas plus pour que les opérateurs financiers réagissent et ajustent leurs positions.
Sur le plan fondamental, l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture, a surpris en révisant à la baisse les surfaces cultivées dans son rapport mensuel, et donc la production. Estimée à 117,98 millions de tonnes le mois dernier, elle est désormais annoncée à 116,82 millions de tonnes. Le rendement, quant à lui, est réévalué à 53,6 boisseaux/acre, un record, porté par des conditions climatiques toujours favorables.
Au Brésil, la production est attendue à 175 millions de tonnes. Mais c’est du côté de la demande que l’attention se porte, avec une consommation domestique record annoncée à 112 millions de tonnes. Tirée par une forte demande en huile, notamment grâce à la loi sur l’incorporation dans les biocarburants, la trituration est particulièrement dynamique, ce qui aboutit mécaniquement à davantage de tourteaux disponibles.
À suivre : Ajustement des positions des fonds sur les marchés financiers agricoles en ce mois d’août, pro Farmer crop tour aux États-Unis sur le maïs pour confirmer les chiffres de l’USDA, rencontres diplomatiques de Donald Trump, nouvelle dégradation possible de l’état des cultures de printemps en Europe en raison du retour des fortes chaleurs, évolution de la parité euro/dollar…
(1) Société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, qui nous livre son analyse agricole hebdomadaire.