La récolte de blé tendre devrait atteindre 33,4 millions de tonnes en 2025, selon les estimations d’Argus Media. Si les rendements ont été au rendez-vous, les prix, eux, ne le sont pas. « Les prix sont désormais plus proches des 190 €/t sur Euronext, ce qui fait un prix payé à l’agriculteur aux alentours des 170 €/t, a constaté Arthur Portier, consultant chez Argus Media sur le plateau de BFM Business ce mercredi 13 août 2025. Le compte n’y est pas, puisque le coût de production dépasse les 200 €/t actuellement. » Si les céréaliers français vendent une tonne de blé à l’heure actuelle, « ils perdent de l’argent », ajoute-t-il.

Des trésoreries dans le rouge

Dans ce contexte, un phénomène de rétention de la marchandise chez les agriculteurs peut être observé, mais encore faut-il que la trésorerie le permette. La récolte catastrophique de 2024 a fortement entamé la santé financière des exploitations, et certaines trésoreries sont déjà dans le rouge. « Au bout du compte, il faudra vendre pour récupérer de l’argent et investir sur la future récolte, rappelle Arthur Portier. On peut décaler les achats jusqu’à septembre, mais guère plus. »

« Il faut prendre en considération qu’on ne produit pas que du blé. Dans notre assolement, on peut aussi avoir du colza [pour lequel] on a eu de bons rendements et des prix corrects actuellement », nuance-t-il. Il donne également l’exemple de céréaliers, notamment au nord du bassin parisien, qui peuvent faire de la pomme de terre ou du lin, des cultures plus rémunératrices. Mais pour le spécialiste des marchés, il est certain que des exploitations céréalières en France « sont menacées », faute de rentabilité.

La perte du débouché algérien fragilise les exportations françaises

Le marché du blé à l’exportation est plutôt morose pour les producteurs français, avec notamment la perte du débouché algérien pour des raisons diplomatiques. Alors qu’il représentait pour la France « autour de 5 millions de tonnes il y a quelques années encore », l’an dernier et cette année encore, « on va être à quasiment zéro », souligne l’expert. Cette situation vient « fragiliser nos exportations, déséquilibrer l’offre et la demande sur le territoire, et peser sur les prix », décrit Arthur Portier.

Sur le plateau de BFM Business, le 13 août 2025, Arthur Portier a décrypté la situation des exploitations céréalières en France.

Sur la scène internationale, « soit on se démarque par une qualité supérieure, soit par le prix », poursuit-il. L’Europe, et plus particulièrement la France, sont néanmoins pénalisés par « un manque de compétitivité majeur, par des coûts de production relativement élevés et par une réglementation relativement importante ». Et dans le contexte de croissance mondial incertain actuel, « les acheteurs se tournent généralement vers l’offre qui est la moins chère », relève Arthur Portier.

Entre 20 et 25 €/t de blé en moins à cause de la parité euro-dollar

La hausse de l’euro face au dollar pèse aussi sur la compétitivité des exportations françaises, qui sont réalisées en dollar. « Quand la parité euro-dollar passe de 1,02 à 1,17, on estime entre 20 et 25 €/t la baisse du prix du blé lié à cette hausse », calcule Arthur Portier. La baisse du dollar est la conséquence de la politique commerciale américaine. Depuis son investiture, Donald Trump a « attaqué l’ensemble des pays en annonçant des taxes importantes », résume Arthur Portier. Les cours des matières premières agricoles ont reculé, anticipant que les exportations américaines allaient être pénalisées.

« Finalement, [Donald Trump] a obligé bon nombre de pays à entrer en négociation avec lui. Je pense notamment au Vietnam ou au Bangladesh qui ont conclu des accords pour faciliter les exportations de grains américains », rapporte le spécialiste. La carte des flux mondiaux et le jeu d’équilibre à l’international sont « totalement rebattus », insiste-t-il. « Les Américains ont exporté vers le Bangladesh, vers le Nigeria, ce qui était assez dingue à cette période de l’année », note-t-il.