La perte de production en Europe, aussi bien en blé, qu’en orges ou en colza, est désormais bien connue de tous. Si ce manque de disponibilités justifie que les céréales et oléagineux européens soient en prime par rapport aux autres origines internationales, il faudra désormais de nouveaux éléments pour alimenter davantage le regain de fermeté du mois de septembre. Ces nouveaux éléments pourraient être d’origine climatique, à l’heure où le retard sur les semis des cultures d’automne s’accentue en mer Noire, et où les semis de soja au Brésil débutent dans le sec.

Blé : des craintes climatiques rendent nerveux les marchés des grains

La baisse de production de blé en France et en Europe est maintenant en grande partie intégrée par les opérateurs. C’est ainsi que FranceAgriMer baissait la semaine dernière l’objectif export de l’Hexagone vers les pays tiers à seulement 4 millions de tonnes, contre plus de 10 millions de tonnes lors de la campagne précédente.

Les exportateurs français n’auront donc pas l’obligation d’aller chercher autant de parts de marché cette année. Pour l’instant, les origines ukrainiennes et russes sont les plus compétitives mais il faut noter un début de raffermissement de leurs prix de vente.

En particulier, le blé russe stable entre 215 et 220 $/t depuis la mi-août vient tout juste de dépasser le haut de cette fourchette. Il faut dire que les semis des blés d’hiver sont ralentis par un temps sec, et que la fenêtre des semis dans les zones de production les plus au nord se referme peu à peu. Les levées sont également très hétérogènes.

Dans l’hémisphère Sud, il faut aussi noter un retour du sec ces dernières semaines en Australie, après un très bon début de cycle. Quant à l’Argentine, le manque de précipitations se fait également ressentir, avec désormais 68 % des blés dans un état normal à excellent, selon la Bourse de Buenos Aires, contre 71 % la semaine dernière. L’évolution des conditions climatiques sera donc à suivre de près au cours des prochaines semaines.

Toutefois, ces craintes sont pondérées pour le moment par l’absence des grands acheteurs internationaux que sont la Chine et la Turquie. C’est dans ce contexte global que le blé meunier rendu Rouen a gagné 4,5 €/t la semaine dernière pour revenir à 218,5 €/t. Concernant la prochaine campagne, FranceAgriMer annonce le début des semis des blés d’hiver avec 1 % des surfaces emblavées à date.

Orge : une demande pour l’instant ralentie

C’est du côté de l’Hexagone que viennent de nouvelles informations sur la filière des orges ces dernières semaines. Agreste a mis à jour hier les estimations de surfaces et de productions pour la récolte de 2024 en France. La récolte d’orge d’hiver ressort ainsi à 7 millions de tonnes, contre 7,2 millions de tonnes estimées en août et loin des 9,7 millions de tonnes de l’an passé.

Quant à l’orge de printemps, si la hausse des surfaces entraîne une hausse de la production de 2,6 millions de tonnes à 3,1 millions de tonnes, les rendements sont moins bons qu’attendu, ce qui conduit tout de même à une baisse de production de 5,5 % par rapport à l’estimation du mois d’août.

Dans ce contexte, les exportations d’orge sont largement abaissées par FranceAgriMer et s’affichent à 2,2 millions de tonnes vers les pays tiers, soit loin des 3,8 millions de tonnes de la campagne précédente. Malgré ces faibles disponibilités, la demande concentre la grande partie des interrogations.

Les stocks de fin de campagne dans l’Hexagone sont d’ailleurs annoncés à 1,45 million de tonnes, soit 13,8 % au-dessus de l’an passé. En effet, les petites récoltes sont intégrées en France et en Europe de l’Ouest, à l’heure où l’activité à l'exportation est très ralentie.

Dans le sillage du complexe céréalier, l’orge d’hiver revient ainsi à 191 €/t rendu Rouen, en légère hausse de 2 €/t sur les 15 derniers jours. Dans le même temps, la prime fourragère passe de –30 €/t à –25 €/t, bien aidée par le retard des récoltes de maïs qui pourrait offrir aux orges fourragères une opportunité dans le secteur de l’alimentation animale. À noter que FranceAgriMer estime également que 2 % des surfaces d’orges d’hiver ont été semées à date.

De son côté, le marché brassicole reste peu volatil, également faute de demande physique. Les récoltes en hémisphère Nord se rapprochent de leur terme, avec notamment plus de 90 % des surfaces moissonnées dans le Saskatchewan au Canada. Ainsi, l’orge de printemps Planet se stabilise autour de 240 €/t Fob Creil depuis le début de septembre.

Colza : un écart de prix significatif entre les graines canadienne et européenne

L’Union européenne devra avoir recours à des importations de colza records au cours de la campagne de2024-2025 pour équilibrer son bilan. Selon le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), la demande européenne en graine devrait atteindre au cours de la campagne 26,1 millions de tonnes.

Si un rationnement peut s’opérer et donc entraîner une légère réduction de ce volume, les besoins à l’importation resteraient dans tous les cas historiquement élevés. En effet, selon Argus Media, la récolte de colza en Europe en 2024 pourrait atteindre 18 millions de tonnes, soit son niveau le plus faible depuis 2020.

Ce sont donc 8 millions de tonnes qui seront nécessaires pour permettre à l’Europe de répondre à sa demande. Parmi les fournisseurs habituels, Ukraine et Australie devraient représenter une part significative dans les importations. Mais de manière supérieure aux précédentes années, le canola canadien sera également sollicité. La récolte de ce dernier est attendue sur de hauts niveaux historiques à 19,6 millions de tonnes.

Du point de vue de ces débouchés, le Canada a vu récemment ses relations se tendre avec son principal acheteur qu’est la Chine. C’est donc dans cet objectif de mise en place de ces flux que plus de 80 $/t séparent déjà la graine de colza Fob Rouen de celle de canola Fob Saint-Laurent.

Si ce facteur limitera à court terme le potentiel de hausse du colza en Europe, celle-ci a profité depuis le début de la semaine du rebond de la graine de soja américaine et de celui plus significatif de l’huile de palme pour retrouver ses niveaux les plus hauts depuis la fin de juillet à 479 €/t Fob Moselle.

Soja : l’Amérique du Sud sous le feu des projecteurs dans les prochaines semaines

Les cours du complexe soja retrouvent des couleurs depuis quelques semaines sur le marché mondial. Entre hausse des surfaces et rendements records, la production historique de soja attendue aux États-Unis semble désormais intégrée par les opérateurs du marché. Les récoltes ont commencé par 13 % des surfaces récoltées, en avance par rapport aux dernières années à cette date. Il sera intéressant de suivre les retours de rendement des producteurs pour confirmer ces niveaux de disponibilités.

Dans le même temps, les regards se tournent du côté de la demande. Si l’activité de trituration a ralenti en août, elle devrait rapidement reprendre avec l’arrivée des volumes sur le marché américain. Sur la scène internationale, le regain de compétitivité du soja américain par rapport à l’origine brésilienne permet de dynamiser les ventes à l’exportation, une nouvelle fois supérieures à 1,5 million de tonnes la semaine dernière, notamment à destination de la Chine. Au début de la semaine prochaine, le rapport trimestriel sur les stocks de soja américain arrêtés au 1er septembre pourrait également être source de volatilité.

Cette semaine, la fermeté est venue de l’Amérique du Sud. Les semis commencent dans la zone de production de soja au Brésil et les conditions sèches persistent. Si les opérateurs locaux restent optimistes concernant les potentiels de production au Brésil, ces estimations pourraient être revues en baisse dans les prochaines semaines, à l’heure où le retour des pluies n’est pas attendu dans les deux prochaines semaines. L’Amérique du Sud pourrait ainsi être au centre des attentions.

Enfin, du côté de l’Europe, les approvisionnements sont pour le moment facilités par les bonnes disponibilités de soja aux États-Unis. L’activité de trituration de graine de soja reste dynamique avec 1,21 million de tonnes de graines écrasées en août, contre 1,13 million de tonnes en moyenne 5 ans. Cela devrait rassurer les opérateurs à court terme et les prix des tourteaux de soja se replient de l’ordre de 10 €/t sur la semaine, revenant à 411 €/t en spot délivré Montoir.

À suivre : rythme des exportations de blé français, semis et début de cycle des blés d’hiver en mer Noire, sec en Argentine et en Australie, avancée des semis de maïs et soja en Amérique latine, avancée des récoltes de maïs et soja aux États-Unis, dynamisme de la demande mondiale, en particulier celle de la Chine, rythme des importations européennes de maïs et de colza, rythme des exportations de blé en région mer Noire, activité de trituration en Europe et aux États-Unis, faiblesse des prix du pétrole

(1) société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.