Si la nouvelle récolte continue d’inquiéter par ses conditions de culture menaçantes dans l’hémisphère Nord, les bilans français restent confortables en blé et en orges d’après FranceAgriMer. À l’inverse, la situation se tend en colza, notamment au niveau européen, dont le bilan est mis à mal par le retard des importations.
Une fin de campagne confortable en France
Depuis le vendredi 12 avril 2024, le blé français rendu Rouen s’est raffermi repassant le seuil des 195 €/t ce vendredi, soit +6 €/t par rapport à la semaine passée. En effet, les prix européens sont maintenus par les prix en partance de la mer Noire. D’un côté, les disponibilités en blés ukrainiens, et en particulier de qualité meunière, s’épuisent avant la nouvelle récolte. L’Ukraine a d’ailleurs remporté un appel d’offres égyptien pour livraison à la fin de mai, et a ainsi épuisé son stock de 120 000 tonnes supplémentaires. Au total, les exportations du pays s’élèvent à 15,1 millions de tonnes depuis le début de la campagne, à 2,4 millions de tonnes de l’objectif de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) révisé ce mois-ci.
De l’autre, les prix russes font aussi preuve de fermeté face aux craintes concernant la nouvelle récolte. Tout le sud du pays, principale zone de production des blés d’hiver, fait face à une vague de chaleur asséchant les sols, à l’heure où les précipitations sont trop éparses pour rassurer les opérateurs. Ainsi, le blé russe Fob Novorossiysk remonte à 212 $/t. Concernant la nouvelle récolte française, Agreste (service de la statistique du ministère de l’Agriculture) a mis à jour son chiffre de surfaces de blé à 4,39 millions d’hectares, soit une baisse de 7,7 % par rapport à 2023 et de 7,4 % par rapport à la moyenne quinquennale.
Les conditions de culture en France restent en retrait par rapport à l’an passé, mais se stabilisent d’une semaine sur l’autre avec 64 % de blé en bon à excellent état, selon FranceAgriMer. Malgré ces baisses de production pour la nouvelle récolte, les fondamentaux se maintiennent à un niveau confortable. En effet, le rapport mensuel de FranceAgriMer abaisse les exportations vers les pays tiers de 150 000 tonnes dans le bilan français. Les stocks de report du pays se confortent ainsi à leur plus haut niveau depuis 19 ans, s’alourdissant encore de quelque 10 000 tonnes, à 3,75 millions de tonnes.
Importations chinoises records
L’orge fourragère continue sa hausse de prix entamée au mois de mars, dans le sillage du reste du complexe céréalier. C’est ainsi que le rendu Rouen base juillet a gagné +20 €/t depuis son plus bas niveau du mois de mars et clôture la semaine à 185 €/t.
Les prix sont soutenus par la demande et notamment les importations chinoises qui ont atteint 1,72 million de tonnes le mois dernier, soit plus du double des 732 000 tonnes importées au cours de la même période en 2023. Il s’agit également d’un record historique tous mois confondus, dépassant 1,66 million de tonnes enregistrées en décembre 2023. Face à cette bonne dynamique des flux, les exportations françaises vers les pays tiers ont été revues en hausse de 200 000 tonnes, à 3,6 millions de tonnes par FranceAgriMer. Dans le même temps, les stocks de report sont logiquement abaissés, passant de 1,75 à 1,66 million de tonnes.
Concernant les orges de printemps, les inquiétudes sont toujours présentes au niveau européen. Si Agreste projette une surface française à seulement 496 000 ha, la sole finale devrait bien dépasser ce niveau, des semis ayant été réalisés tardivement sur les premières semaines d’avril quand la météo le permettait. Les semis ont finalement dépassé les 98 % en France selon FranceAgriMer, mais les conditions de culture ne s’améliorent pas vraiment avec 63 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions, contre 95 % l’an passé. Les cours maintiennent donc leur fermeté, l’orge brassicole de printemps nouvelle récolte se stabilisant autour de 260 €/t Fob Creil ce vendredi.
Les huiles végétales sortent de leur tendance haussière
La dynamique haussière de la graine de colza s’essoufflait au cours de la semaine. Après une hausse de 13 % , jusqu’à 460 €/t entre le 28 février et le 16 avril, la graine Fob Moselle a fini par se replier à 450 €/t. Cette correction est à mettre en grande partie au crédit de la baisse des prix du pétrole accompagnée par celle des huiles végétales. La publication des rapports du MPOB en Malaisie et de la Nopa aux États-Unis fait état de disponibilités plus confortables qu’au mois précédent.
La production de palme rebondit après avoir atteint son pic baissier saisonnier en février. Les stocks ne suivent pour le moment pas la même direction mais demeurent supérieurs à ceux des deux dernières campagnes à la même date. Concernant l’huile de soja aux États-Unis, la trituration américaine établit un septième record mensuel consécutif. Avec plus de 185 millions de boisseaux transformés chaque mois depuis octobre 2023, les stocks se reconstituent. Ces derniers retrouvent les niveaux de la moyenne quinquennale qui n’avaient plus été atteints depuis juin l’année dernière. Ces rapports présentent certes un environnement plus serein du côté des exportateurs mais ne gomment toujours pas la tension qui persiste sur les stocks des importateurs notamment asiatiques.
À Rotterdam, l’huile de palme cède en l’espace d’une semaine près de 8 %. Les huiles de colza et de tournesol accompagnent cette dynamique. Si la graine subit mécaniquement les répercussions de son produit, les perspectives d’approvisionnement en Europe du côté de la matière première inquiètent. La production européenne pourrait rapidement chuter sous les 19 millions de tonnes, rendant encore toujours plus dépendants les acheteurs aux importations ukrainiennes et australiennes.
Plus de trituration au détriment des exportations pour la graine de soja
La performance de la trituration de soja aux États-Unis s’accompagne par une hausse des disponibilités de tourteaux. De plus, le ralentissement des exportations américaines de graine, principalement à destination de la Chine, au cours de la campagne pousse les vendeurs de matières premières à privilégier le secteur industriel local facilitant leur approvisionnement.
En Amérique du Sud, la situation est relativement similaire alors que la récolte touche à sa fin au Brésil. La production brésilienne peut tout de même être qualifiée de décevante puisque l’estimation de celle-ci sera passée de 162 millions de tonnes en novembre 2023, à 146 millions de tonnes en avril. Ce manque est cependant contrebalancé par le rebond de la production argentine qui passe de 25 millions de tonnes en 2022-2023, à 50 millions de tonnes en 2023-2024.
Réalisant en moyenne 50 % des exportations mondiales de tourteaux de soja, l’Argentine devrait observer une accélération de sa trituration au cours des prochains mois. Par anticipation, le marché a déjà intégré cette amélioration puisque l’écart entre le tourteau de soja et celui de colza revient sur son niveau le plus bas depuis juin 2022. Sur le contrat Spot, le tourteau de soja délivré Montoir atteint 430 €/t.
La phase de consolidation continue pour le tourteau de colza rendu Montoir autour des 300 €/t depuis trois semaines. Les discussions du Parlement européen concernant la mise en place d’une taxe à l’importation pour les matières premières russes seront à surveiller en raison de la dépendance de l’Europe à ces produits.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : conditions de culture en Europe de l’Ouest et manque de pluie dans le sud de la Russie ; poursuite des bonnes performances des exportations russes et ukrainiennes ; importations chinoises d’orges ; évolution des surfaces des cultures de printemps ; évolution des stocks et de la production d’huile de palme ; niveaux de trituration élevés ; productions argentine et brésilienne de soja ; repli de la parité euro/dollar.