Depuis une dizaine d’années, les exportations françaises de blé tendre sont principalement concurrencées par les pays de la mer Noire, au premier rang desquels l’Ukraine et la Russie. Cette dernière « a massivement investi dans sa production et sa logistique pour exporter aujourd’hui quelque 50 des 200 millions de tonnes échangées chaque année dans le monde », rappelait Philippe Heusele, secrétaire général de l’AGPB (1), le 27 février 2024 au Salon de l’agriculture lors d’une table-ronde.
« Des règles très politiques »
« Et nous voyons qu’elle joue avec des règles très politiques, observait à ses côtés Philippe Mitko, chargé des relations extérieures de Soufflet Négoce by InVivo. On ne sait pas bien anticiper son comportement, imprévisible. » Une situation pas si récente : « À peine plus d’un an avant le début de la guerre, la Russie a instauré des taxes à l’exportation fixes, puis flottantes, dans le but de contenir l’inflation nationale, retraçait-il. Mais ces taxes n’étaient pas fixées selon des règles claires. »
« Il devenait alors difficile de comprendre le marché intérieur russe, poursuit Philippe Mitko. Depuis le début de la guerre, seuls les opérateurs russes interviennent jusqu’au chargement des bateaux (Fob). Le pays a également instauré un prix plancher, régulièrement contourné à la baisse. Il est ainsi difficile de comprendre sur quelles bases sont fixés les prix : le marché a totalement perdu sa transparence. »
Solvabilité
Après une première moitié de la campagne de 2023-2024 sur les chapeaux de roues, la cadence d’exportation russe s’est relativement calmée au début de 2024. Les résultats de l’appel d’offres algérien qui s’est tenu le 5 mars 2024 donneront une bonne indication de la situation. Avec, peut-être, des volumes français retenus.
Les exportations tricolores ont nettement subi cette concurrence russe, notamment sur ses marchés historiques comme l’Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. Mais sa proximité géographique avec ces destinations lui confère un avantage sur les envois réguliers qui évitent à ces pays en voie de développement des frais de stockage, selon Philippe Mitko. Ce dernier évoque également le besoin d’une sécurisation financière adaptée de la part de l’État français pour accompagner et développer le commerce avec des pays à la solvabilité limitée.
Logistique performante
La France peut aussi compter sur sa logistique performante, avec des silos portuaires « parmi les plus efficaces du monde », complète Philippe Mitko. « En matière de compétitivité-prix en revanche, nous sommes plutôt dans le bas de l’échelle des dix pays exportateurs majeurs, du fait par exemple de normes sociales et environnementales plus fortes ou du prix des terres, en partie compensés par de meilleurs rendements grâce à notre haute technicité. »
(1) Association générale des producteurs de blé.