Les fortes disponibilités encore présentes sur le marché incitent exporter et à dynamiser la demande. Seul le colza dénote en consolidant ses cours. Ainsi, tous les regards se tournent vers le rapport mensuel de l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture, qui doit actualiser ses estimations ce vendredi 8 mars 2024 au soir.
Commerce du blé : entre nouveaux achats et annulations
Le blé meunier rendu Rouen poursuit son mouvement de repli, cédant 5,75 €/t sur la semaine écoulée pour retomber à 182,50 €/t, soit un niveau de prix pas observé depuis le mois d’août 2020. Toujours sous l’influence du commerce mondial, la céréale française est pénalisée par la pression exercée par les origines mer Noire.
D’ailleurs, le blé Fob Russie chute sous le seuil psychologique des 200 $/t pour la première fois depuis le début de juillet 2020. Dans le même temps, le prix du blé ukrainien, stable depuis la mi-février, regagne en compétitivité vis-à-vis des autres origines en perdant 15 $/t pour s’afficher à seulement 185 $/t au départ de la région d’Odessa.
Ce recul des prix internationaux aura permis de relancer un intérêt acheteur. L’Algérie a sécurisé l’achat de 870 000 tonnes de blé meunier pour le mois de juin, à près de 228 $/t CAF. Cela représente une baisse de 38 $/t par rapport aux prix retenus lors du précédent appel d’offres du mois de janvier.
Dans son sillage, l’acheteur étatique égyptien a, à son tour, émis un appel d’offres en cours de semaine. Celui-ci a finalement été annulé bien que près de 1,6 million de tonnes de blé lui aient été proposé. Autre annulation remarquable, un achat de 130 000 tonnes de blé SRW américain a été retiré des carnets d’importations chinois.
Dans le même temps, l’attention des opérateurs se porte sur la prochaine récolte. Si ces derniers sont pour l’instant rassurés par les conditions de culture en mer Noire, celles d’Europe de l’Ouest soulèvent quelques inquiétudes localement. En France, la part des surfaces en bon ou excellent état se stabilise cette semaine à 68 %, contre 95 % l’an passé à la même période.
Consolidation du maïs
Alors que la tendance sur les matières premières agricoles reste baissière, le maïs, quant à lui, tente de se stabiliser malgré la lourdeur de ses fondamentaux. Le maïs rendu Bordeaux n’a connu qu’une baisse de 2 €/t cette semaine cotant à 168 €/t ce vendredi 8 mars 2024.
Cette consolidation est alimentée par la bonne dynamique de marché qui apporte du soutien aux cours. En effet, le rythme des exportations demeure soutenu en Ukraine et aux États-Unis. D’un côté, l’Ukraine cherche à faire de la place avant la prochaine récolte de céréales à paille. D’ailleurs, ses exportations agricoles par voie maritime atteignent un nouveau record depuis le début du conflit à 5,2 millions de tonnes sur le mois de février.
À noter que la Chine revient progressivement aux achats après une pause pendant les festivités de la nouvelle année. Ces dernières semaines, elle s’est notamment positionnée sur de l’orge, du sorgho américain et 1 million de tonnes de maïs ukrainien. De l’autre côté, les États-Unis maintiennent pour l’instant un programme d’exportation soutenu, et ce avant l’arrivée de la récolte sud-américaine.
En effet, avec une production cumulée record entre le Brésil et l’Argentine à 179 millions de tonnes, selon l’USDA, avant la révision de ce soir, les exportations argentine et brésilienne sont attendues au record de 93 millions de tonnes. Ainsi, la concurrence s’annonce déjà rude de l’autre côté de l’Atlantique si les conditions de cultures en restent là.
En Argentine, ces conditions se stabilisent avec 87 % des surfaces dans un état normal à excellent, contre seulement 41 % l’an passé à la même période. Le surplus exportable argentin pourrait ainsi arriver dès avril sur le marché à l’exportation.
Le colza résiste
Sur le marché de la graine de colza, les prix se désolidarisent des autres matières premières agricoles et tentent de résister à la baisse générale. Le prix de la graine Fob Moselle termine ainsi la semaine avec une variation de +13 €/t par rapport à vendredi dernier en affichant un prix à 423 €/t.
Le ratio de prix entre le colza et le blé atteint d’ailleurs les 2,2 sur les échéances de mai 2024 d’Euronext, démontrant la résistance du colza face au blé à l’heure actuelle. Pour cause, le colza a bénéficié cette semaine du soutien de l’huile de palme, au plus haut depuis juillet dernier à Rotterdam.
La situation demeure toutefois confortable et aucun élément de tension n’est à souligner sur le complexe colza. Il faut d’ailleurs noter que les exportations ukrainiennes continuent d’abreuver le marché, avec 280 000 tonnes sorties du pays au mois de février contre 62 000 tonnes l’an passé à la même époque.
Les origines canadiennes et australiennes commencent à gagner en compétitivité. Elles devraient pouvoir profiter de l’essoufflement du colza ukrainien avant la nouvelle campagne pour prendre des parts de marché. Désormais, les attentes se portent sur le rapport mensuel de l’USDA ce vendredi soir, qui devrait revoir les niveaux des productions et exportations de soja.
L’arrivée de la récolte sud-américaine fait pression sur les prix du tourteau de soja
Les rapports de l’USDA attendu ce 8 mars au soir et celui de la Conab le lundi 11 mars pourraient revoir en légère hausse les perspectives de production sud-américaines. Au Brésil, pour commencer, la récolte touche à sa fin et la tendance converge vers une production supérieure à 150 millions de tonnes, soit la deuxième meilleure performance du pays de son histoire.
En Argentine, les conditions de cultures atteignent 30 % de surfaces jugées dans un état bon à excellent à comparer aux 2 % à date l’an passé. Ainsi, la production de graine de soja en Argentine devrait nettement dépasser les 50 millions de tonnes et réaliser ainsi un record historique.
L’arrivée prochaine de ces disponibilités apportera une concurrence supplémentaire sur la scène à l'exportation au soja américain déjà en manque de compétitivité face à la graine brésilienne. La graine de soja Fob américain Golfe tend à se stabiliser à 447 $/t contre 409 $/t pour le Fob Brésil.
Outre cette tendance baissière toujours en place sur la matière première, l’accélération de la trituration, notamment en Argentine, permettra d’alimenter la demande mondiale rationnée depuis près d’un an. En effet, le pays du Soleil de mai représente généralement près de 50 % des exportations mondiales de tourteaux.
Ces perspectives poussent dans l’Hexagone le tourteau de soja à gagner en compétitivité face à celui de colza. Entre novembre 2023 et aujourd’hui, l’écart entre les deux produits est passé de –233 €/t à –115 €/t.
À suivre : Conditions de cultures européennes de blé et orges, conditions de cultures sud-américaines de maïs, production de soja au Brésil et en Argentine, exportations ukrainiennes, rapport de l'USDA.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.