La baisse des prix a repris le dessus, aussi bien pour les céréales que pour les oléagineux et leurs dérivés. Les disponibilités en mer Noire, la faible demande internationale et l’évolution des conditions météorologiques et politiques en Amérique du Sud font pression sur les prix.
Blé : les prix français repartent à la baisse
Après leur remontée la semaine dernière en raison du réveil de la demande mondiale et des conditions climatiques qui ont compliqué la logistique en mer Noire, les prix français renouent avec la tendance baissière observée depuis plusieurs mois. En une semaine, le prix rendu à Rouen a diminué de 9 €/t pour terminer la semaine à 215,5 €/t (base juillet). Le manque de compétitivité face aux origines de la mer Noire reste très marqué. Les cotations sur Euronext (échéance de mars) baissent dans des proportions similaires, dans un contexte de stabilité des prix russes et ukrainiens.
Cependant, la forte hausse de la parité euro-dollar limite le gain de compétitivité des origines européennes par rapport à celles de la mer Noire. Le blé Fob Rouen termine la semaine à 246 $/t. Il reste toujours beaucoup moins compétitif que le blé russe. Malgré des conditions climatiques toujours difficiles limitant les expéditions, son prix demeure à 232,5 $/t Fob (pour 11,5 % de protéines). Compte tenu du faible niveau des exportations françaises, FranceAgriMer a révisé en hausse de 0,15 million de tonnes les stocks de la fin de la campagne de 2023-2024, atteignant ainsi 3,22 millions de tonnes.
Outre Atlantique, les prix ont également fléchi, corrigeant les fortes hausses de la semaine dernière dues aux achats chinois. Le blé américain Soft Red Winter (SRW) a diminué de 7 $/t, pour terminer la semaine à 264 $/t Fob, et le Hard Red Winter (HRW) américain a baissé de 8 $/t, à 291 $/t. L’actualité est également marquée par la dernière publication d’Agreste (service français de la statistique agricole), qui prévoit une baisse de 5,1 % des surfaces de blé d’hiver semées, conséquence des conditions de semis particulièrement difficiles.
Néanmoins, cette nouvelle n’a pas empêché les prix français de baisser. Effectivement, les prix sur la scène internationale ont également pâti de la révision à la hausse des récoltes de 2023 du Canada et de l’Australie par les organismes officiels respectifs de ces deux pays (StatCan et Abares).
Baisse des cours aussi en orge
Le prix de l’orge fourragère française cède du terrain par rapport à la semaine dernière. Le Fob Rouen s’établit ainsi à 218,8 $/t, soit une baisse de 8 $/t. Rendu Rouen, l’orge cède 11 €/t, à 191 €/t (base juillet). Mis à part l’appel d’offres de la Jordanie pour l’achat de 120 000 tonnes d’orge destinée à l’alimentation animale, les exportations mondiales d’orge connaissent actuellement un net ralentissement par rapport au début de campagne.
En France, les perspectives de stocks pour la campagne de 2023-2024 ont été révisées à la hausse, atteignant 1,8 million de tonnes, soit une augmentation de 100 000 tonnes par rapport à l’estimation de novembre 2023. Ce niveau contraste avec les campagnes précédentes, quand les stocks de fin de campagne se situaient autour de 1,1 million de tonnes. Les exportations françaises ont été revues en baisse, passant de 6,42 à 6,24 millions de tonnes. Parallèlement, les surfaces cultivées en orge d’hiver pour la nouvelle campagne sont estimées en baisse, à 1,31 million d’hectares, soit une diminution de 4 % par rapport à la récolte de 2023.
Les exportations françaises ont jusqu’à présent pâti de la concurrence de la mer Noire, et surtout de la Russie. Les exportations d’orge ukrainienne à la mi-décembre 2023 sont estimées à 933 000 tonnes depuis le début de la campagne, en baisse significative de 40 % par rapport à la même période en 2022. Les exportations ukrainiennes ont néanmoins accéléré ces dernières semaines. C’est l’inverse en Russie, avec des exportations d’orge très dynamiques en début de campagne, et une tendance au ralentissement ces dernières semaines. On peut y voir à la fois les effets du mauvais temps sur la logistique, et d’une demande mondiale atone.
La hausse de la parité euro-dollar de +0,172, après avoir connu une baisse la semaine précédente, n’a pas aidé les origines européennes face à la concurrence internationale. Les orges russes et ukrainiennes restent les plus compétitives. L’orge russe Fob Novorossiysk se situe à 182,5 $/t seulement.
De son côté, l’orge brassicole d’hiver affiche une baisse de 8 €/t Fob Creil, à 209 €/t (récolte de 2023) tandis que l’orge brassicole de printemps est en retrait de 7 €/t, à 294 €/t.
Baisse des cours du colza
Cette semaine, les prix du colza ont de nouveau régressé, entre 8 et 10 €/t, sur les échéances sur Euronext de février et mai 2024 et s’établissent respectivement à 430 €/t et 435 €/t.
Les cours européens ont notamment diminué à la suite du renforcement de l’euro face au dollar, impactant la compétitivité des graines à l’exportation. Par ailleurs, les cours du colza ont également subi la pression des prix du canola canadien, mais aussi ceux du complexe soja. En effet, les précipitations récentes et à venir au Brésil ont quelque peu rassuré les opérateurs sur la future récolte sud-américaine.
Finalement, les cours du colza ont également réagi à la baisse, influencés par le marché de l’huile de palme. La demande à l’exportation est en effet décevante, les volumes exportés depuis la Malaisie ayant diminué de 7,4 % entre les dix premiers jours de novembre et décembre.
La baisse des prix du tourteau de soja continue
À Chicago, le prix des tourteaux de soja a perdu 3 $/t cette semaine pour le contrat de janvier 2024. La baisse des cours s’explique par la bonne progression des semis et les facteurs politiques en jeu en Argentine, ainsi que les prévisions de précipitations à venir au Brésil.
La situation reste favorable en Argentine, où les semis de soja progressent dans de bonnes conditions, ce qui laisse toujours entrevoir une récolte de soja prometteuse. Au 14 décembre, 65 % des surfaces de soja avaient déjà été semées, contre 62 % l’année dernière à la même époque, selon le ministère argentin de l’Agriculture. Au Brésil, des pluies bénéfiques sont attendues la semaine prochaine dans les principales zones de production de soja, ce qui devrait améliorer les conditions hydriques. Néanmoins, les semis de soja au Brésil accusent toujours un retard, avec seulement 90 % des surfaces semées au 9 décembre, contre 95,9 % à la même période l’année précédente.
La situation politique en Argentine a également exercé une pression baissière sur les prix. En effet, le nouveau gouvernement du président Javier Milei a annoncé cette semaine une dévaluation de plus de 50 % du peso, ce qui pourrait favoriser une vague de vente des récoltes de la part des agriculteurs. Aussi, ces derniers recevront désormais beaucoup plus d’argent pour leurs cultures, avec des revenus liés à la valeur en dollars sur les marchés d’exportation.
Les prix du tourteau de soja à Montoir ont diminué de 22 €/t sur la semaine, pour s’afficher à 514 €/t. La demande est à la peine dans le secteur animal, ce qui pèse sur les prix. À cela s’ajoute une nette baisse de la compétitivité du tourteau de soja dans les rations animales au profit du blé.
À suivre : conditions des cultures d’hiver en Europe et en mer Noire, avancée des récoltes en Australie et en Argentine (céréales, colza), conditions de culture en Amérique du Sud pour le soja et le maïs, situation géopolitique en mer Noire, prix du pétrole, conjoncture économique mondiale, parité euro/dollar.