Les prix des céréales et du colza ont baissé sous l’influence de fortes disponibilités, notamment en Europe. Les discussions autour du corridor maritime ukrainien, la sécheresse en Argentine et la chaleur en Inde apportent néanmoins de la nervosité sur les marchés.

Nouvelle contraction des prix du blé

Cette semaine encore, le blé français a reculé de 10 €/t, à 268 €/t pour le rendu Rouen (en base juillet), et de 9,5 €/t à La Pallice, à 274 €/t. D’après FranceAgriMer, 95 % des blés de l’Hexagone sont dans un état bon à excellent, en hausse de deux points par rapport à la même date l’an dernier. La sécheresse hivernale n’a pas encore d’impact sur les blés, mais des pluies sont nécessaires pour assurer une bonne reprise végétative au printemps.

Les prix français sont entraînés à la baisse par les origines roumaines et bulgares. Celles-ci sont en forte rivalité avec l’origine russe, puisque les stocks de blé en Roumanie et en Bulgarie sont attendus à des niveaux très élevés. Ces deux pays ont pris beaucoup de retard dans leur programme d’exportations depuis le début de la campagne. Les agriculteurs n’étaient pas vendeurs, espérant un rebond des prix qui ne s’est pas matérialisé.

Des signaux contradictoires à l’international

En France, les prix ont atteint leur plus bas niveau depuis un an le 1er mars 2023, avant de se renchérir de 3,5 €/t sur la journée du 2 mars 2023. La reprise des prix est imputable aux déclarations russes concernant le corridor. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, a déclaré jeudi que l’Occident « a enterré sans vergogne » le corridor d’exportations de grains au départ de l’Ukraine, en maintenant les sanctions à l’égard de la Russie. Le précédent accord prendra officiellement fin le 18 mars prochain, et d’ici là, chaque déclaration influence les prix mondiaux, dans un sens comme dans l’autre.

À l’international, les regards sont également tournés vers l’Inde qui est de nouveau confrontée à des températures élevées alors que les blés se rapprochent de la fin de leur cycle de culture. L’année dernière, le pays a été touché par une vague de chaleur qui a provoqué une forte réduction de la production. L’Inde avait été obligée de mettre en place une interdiction des exportations pour maintenir son propre programme local d’aide alimentaire. Il est encore trop tôt pour savoir si le scénario catastrophe de 2022 se répétera en 2023, mais le marché reste très attentif car le pays pourrait devenir net importateur et non plus exportateur.

Du côté des éléments baissiers, l’Ukraine a annoncé ne pas envisager de mettre de restrictions à l’exportation pour la campagne à venir malgré une production qui s’annonce réduite en raison de la guerre. Parmi les autres éléments potentiellement baissiers, les agriculteurs argentins ont manifesté cette semaine pour réclamer la suppression des droits d’exportation et l’unification du taux de change. La très mauvaise récolte de blé cette année a mis en difficulté les agriculteurs, et a conduit à une forte réduction des exportations du pays.

Les prix du maïs français baissent dans le sillage des prix internationaux

Les prix du maïs français continuent leur baisse enclenchée depuis deux semaines. Sur la semaine, le prix du maïs Fob Bordeaux chute de 10 €/t, à 275 €/t. Le prix du maïs Fob Rhin a, quant à lui, baissé de 7 €/t, pour s’afficher à 289 €/t. Les prix du maïs sur la scène internationale actent une baisse en raison de la faiblesse des exportations depuis les États-Unis. Sur le marché américain, les prix ont baissé de près de 20 $/t en deux semaines, pour s’afficher à 281 $/t US Fob Gulf. Un regain d’activité des exportations américaines est néanmoins attendu ces prochains mois, notamment à cause du manque de disponibilités prévu en Argentine.

Du côté de la production, les yeux des opérateurs sont rivés sur la production sud-américaine, notamment au Brésil où les semis de la très attendue récolte Safrinha sont en cours. Toutefois, la progression des semis prend du retard par rapport à l’année dernière à cause des conditions humides qui prévalent dans les principales provinces productrices. La récolte est néanmoins toujours attendue à un niveau record. En Argentine, la forte baisse de production est dorénavant actée. La sécheresse de ces derniers mois et les récentes vagues de chaleur ont considérablement affecté le potentiel de récolte du pays.

Du côté des exportations, les questions sur le renouvellement du corridor depuis l’Ukraine réapparaissent dans les discussions des opérateurs et viennent apporter des incertitudes quant à la place des exportations ukrainiennes dans les prochains mois. Du point de vue de la demande, la progression de l’inflation en Europe continue de pénaliser la consommation. Les prochaines semaines seront cruciales tant pour l’offre de maïs que pour la demande.

Nouvelle baisse des prix du colza

Cette semaine, les cours du colza ont reculé de 12 €/t pour s’établir à 522 €/t rendu Rouen. L’offre abondante en graines de colza continue de faire pression sur les prix. Alors que la récolte mondiale s’affiche à des niveaux records, les importations dynamiques de l’Union européenne se poursuivent (de l’Ukraine et de l’Australie). Depuis le début de la campagne (1er juillet 2022), 5,6 millions de tonnes de colza ont déjà été importées au 26 février (contre 3,4 millions de tonnes l’an passé et 4,5 millions de tonnes en 2020-2021).

Cette semaine, cette tendance baissière a été renforcée par la diminution des prix du soja, avec l’avancée de la récolte brésilienne, mais également par celle des prix de l’huile de palme. Malgré les inondations affectant la production, le ralentissement des exportations malaisiennes d’huile de palme sur février a influencé les cours à la baisse au début de la semaine. Finalement, les prix des huiles à Rotterdam ont tous diminué sur la semaine (–30 €/t pour l’huile de palme et l’huile de colza ; –45 €/t pour l’huile de soja), entraînant dans leur sillage la diminution des prix de la graine de colza.

Les prix du tourteau de soja interrompent leur hausse

Cette semaine, les prix du tourteau de soja ont rompu avec leur tendance haussière des dernières semaines. Le cours à Montoir-de-Bretagne a perdu 22 €/t en sept jours pour s’afficher à 596 €/t, un niveau qui reste cependant toujours historiquement élevé sur la période. Le prix a notamment été tiré vers le bas, dans le sillage des prix internationaux de la fève. Au début de la semaine, le cours du soja sur le CBOT (Bourse de Chicago) a reculé, en lien avec l’affaiblissement des ventes hebdomadaires américaines de soja mais aussi en raison des rumeurs de revente d’environ un million de tonnes de soja argentin par l’importateur chinois Sinograin.

Les triturateurs argentins seraient en manque de marchandise du fait des pertes de production causées par la sécheresse et de la stratégie de rétention toujours pratiquée par les producteurs du pays. L’Argentine pourrait par ailleurs réintroduire le taux de change préférentiel sur le soja dans les prochains mois afin d’inciter les agriculteurs à vendre leur production. Les prix internationaux du tourteau de soja demeurent toutefois à des sommets, soutenus par les incertitudes climatiques en Amérique du Sud (temps chaud et sec en Argentine et retard de récolte au Brésil).

Dans l’Union européenne, les disponibilités restent limitées par le rythme de trituration exceptionnellement lent au premier trimestre de la campagne en cours. En parallèle, la demande animale en tourteau de soja ne semble pas des plus dynamique dans un contexte de faible activité économique et de propagation de la grippe aviaire dans plusieurs États membres.

À suivre : récolte de soja et de maïs en Argentine, récolte de soja et semis de maïs au Brésil, retour des pluies dans l’ouest de l’Union européenne, discussions autour du corridor maritime ukrainien, prix du pétrole, parité euro/dollar, demande en huiles des pays émergents, situation économique mondiale.