Après être remontés, les prix du blé français s’érodent légèrement en fin de semaine face à la concurrence des autres origines. Le marché du tourteau de soja est quant à lui de nouveau affecté par la sécheresse en Argentine.

Nervosité sur le marché du blé

Dès le début de la semaine, les prix du blé ont grimpé, pour atteindre leur plus haut niveau depuis un mois, avant de redescendre à partir de mercredi. Le blé rendu Rouen a gagné 2 €/t sur la semaine, pour s’établir à 288,50 €/t en base juillet, tandis que rendu La Pallice, le blé a perdu 1 €/t pour atteindre 294,50 €/t. Le blé français est pris en étau entre des éléments haussiers, tel que l’escalade potentielle de la guerre en Ukraine à la sortie de l’hiver, et des éléments baissiers comme la concurrence agressive des blés de la mer Noire.

Le blé russe à 12,5 % de protéines a beau s’être renchéri de 5 $/t, à 305 $/t Fob, il reste bien plus compétitif que le blé français qui s’affiche à 320 $/t Fob Rouen. En dollar, le blé français à Rouen n’a pas évolué cette semaine grâce à la très légère baisse de l’euro face au dollar. Contrairement au blé russe, le blé ukrainien a reculé de 1 $/t sur la semaine, à 276 $/t. Malgré une offre de prix alléchante, les exportations ukrainiennes tendent à ralentir.

Les perspectives de recrudescence du conflit armé inquiètent les importateurs, tout comme le ralentissement des inspections réalisées à Istanbul dans le cadre du corridor sécurisé. Les autorités ukrainiennes reprochent à celles de la Russie de freiner ces inspections depuis plusieurs semaines. Le temps d’attente avant inspection a augmenté et le tonnage minimum des bateaux a été légèrement rehaussé pour tenter de fluidifier le trafic. D’autre part, les discussions concernant le renouvellement ou non du corridor maritime au départ de l’Ukraine devraient officiellement démarrer la semaine prochaine.

Une concurrence accrue en blé sur la deuxième moitié de campagne

Les exportations françaises de blé se poursuivent vers l’Afrique du Nord, mais elles ont tout de même ralenti par rapport à ces derniers mois. L’origine française doit faire face au réveil des origines allemandes et surtout polonaises après plusieurs mois discrets, en raison de leur manque d’attractivité. Le blé polonais vaut maintenant environ 6 $/t de moins que le blé français.

La concurrence sur l’Afrique du Nord s’accroît. En témoigne l’accord signé cette semaine entre l’Égypte et la Serbie autorisant l’importation de 1 million de tonnes de blé depuis la Serbie, via le port roumain de Constanta. Cet accord fait suite à un autre contrat signé entre l’Égypte et l’Allemagne, pour augmenter les importations de blé allemand. L’Égypte souhaite diversifier ses sources d’approvisionnement et réduire sa dépendance à l’origine russe.

Hausse des prix des maïs français dans le sillage du blé et de la récolte Argentine

Sur la semaine, le prix du maïs Fob Bordeaux a gagné 14 €/t, à 303 €/t, tandis que le prix du maïs Fob Rhin a augmenté plus modérément de 6 €/t, pour s’afficher à 299 €/t. Les prix mondiaux restent élevés notamment en raison des inquiétudes concernant la production en Argentine, et ce, malgré le retour des pluies. Les prix du maïs suivent également la remontée des prix du blé russe à cause des tensions géopolitiques sur la zone mer Noire. Outre-Atlantique, les maïs américains se maintiennent autour des 300 $/t Fob Gulf.

Cette campagne est perturbée par la baisse de la production mondiale, notamment dans l’hémisphère Nord. En outre, les conditions climatiques en Amérique du Sud continuent d’apporter leur lot d’incertitudes sur la production, en particulier en Argentine. Bien qu’elles se soient améliorées, les mauvaises conditions semblent avoir durablement affecté la production du pays.

Concernant les exportations, le renouvellement du corridor maritime ukrainien devrait revenir sur la table des négociations la semaine prochaine. Du côté de la demande, la consommation pour l’alimentation animale est toujours pénalisée par le manque de compétitivité du maïs, notamment face au blé.

Aussi les premiers signes de ralentissement de l’activité se font ressentir dans l’industrie notamment amidonnière. En effet, les dernières statistiques de FranceAgriMer pour le mois de novembre montrent un repli de l’activité par rapport aux campagnes précédentes. Au niveau mondial, le bilan du maïs s’annonce tendu, surtout chez les principaux pays exportateurs. En France, le bilan est prévu proche de l’équilibre grâce à la réduction des exportations et de la demande pour l’alimentation animale.

La baisse de l’euro face au dollar soutient le colza

Le cours du colza a progressé sur la semaine, principalement en raison de la baisse de parité euro/dollar. Le colza rendu Rouen et Fob Moselle a vu son cours augmenter de 5 €/t, entre le 9 et le 16 février 2023. Néanmoins, les prix du colza français convertis en dollars américain ont légèrement reculé cette semaine (–2 $/t). En effet, ils ont subi la pression des cours du canola canadien, eux-mêmes entraînés à la baisse par l’arrivée massive de sojas brésiliens sur le marché mondial. La récolte se poursuit au Brésil, et s’annonce toujours conséquente. De plus, la trituration de soja des États-Unis au mois de janvier a été inférieure aux attentes du marché, ce qui a aussi contribué à un environnement baissier pour le canola en Amérique du Nord.

En ce qui concerne la nouvelle récolte, les colzas européens se développent correctement. Le manque de pluies commence toutefois à soulever des inquiétudes, surtout en France. Le début de cycle a par ailleurs été très sec en Roumanie et en Bulgarie, et les pluies de l’hiver n’ont permis qu’une amélioration partielle de l’état des cultures. Dans ces pays, la situation hydrique reste fragile, et un retour de la pluie au printemps sera nécessaire pour les plantes.

À noter que le ministère de l’Agriculture français vient de revoir à la hausse la surface semée en colza d’hiver pour la récolte de 2023. Cette surface est désormais estimée à 1,34 million d’hectares, en progression de 9 % par rapport à l’an dernier. Toutefois, la production de colza devrait reculer en France en 2023. Le rendement devrait diminuer nettement, après une très bonne année 2022 en termes de conditions climatiques.

Le cours du tourteau de soja a battu un record cette semaine

Sous l’effet d’une forte tension sur l’offre européenne et mondiale en tourteaux de soja, le cours à Montoir-de-Bretagne a battu son précédent record le lundi 13 février 2023, avec un prix historique de 628 €/t. Le record de mars 2022 (625 €/t) a ainsi été dépassé. D’une part, les conditions climatiques restent très sèches. Quant aux températures, elles restent extrêmement élevées dans les principales zones de production de soja en Argentine. L’état des cultures s’est dégradé ces dernières semaines, et la production de soja pourrait n’atteindre que 38 à 39 millions de tonnes en 2023, contre 42 millions de tonnes en 2022.

La production argentine se voit fortement amputée pour la seconde année consécutive en raison de l’impact de La Niña sur les régimes pluviométriques du sud du sous-continent sud-américain. Le sud du Brésil souffre aussi d’un manque d’eau. La région de Rio Grande Do Sul, où les sojas sont en pleine floraison, pourrait aussi voir son potentiel largement diminué.

Depuis lundi, les prix du tourteau à Montoir se sont un peu tassés, à cause du peu d’intérêt accordé par les acheteurs à cette matière. Ils s’établissaient ainsi à 612 €/t le 16 février, en progression de 7 €/t sur la semaine. La hausse des prix en France résulte aussi d’une offre locale insuffisante, la trituration ayant été jusqu’ici fortement ralentie par la concurrence du colza.

Néanmoins, les marges de trituration du soja se sont nettement améliorées récemment, sous le double effet de la hausse des cours du tourteau, et de la baisse du prix du gaz. Cela devrait entraîner un rétablissement de la production en Europe de l’Ouest sur la seconde moitié de la campagne (d’avril à septembre 2023). Mais l’offre mondiale en tourteaux de soja devrait être limitée sur les prochains mois par la chute de la production et de la trituration de soja en Argentine.

À suivre : climat en Amérique du Sud (soja, maïs), conditions en Europe et en mer Noire (céréales d’hiver et colza), renouvellement du corridor maritime ukrainien, prix du pétrole, parité euro/dollar, demande en huiles des pays émergents, situation économique mondiale.