Les prix des céréales françaises sont en hausse cette semaine sur le marché intérieur, à la suite du renforcement du dollar face à l’euro. À l’exportation, les prix des céréales françaises restent sous la pression de l’origine russe. Les fondamentaux sont haussiers pour le marché du tourteau de soja.

Les prix du blé montent sous l’effet de la baisse de l’euro face au dollar

Le blé rendu Rouen (échéance de mars) a gagné 6,5 €/t sur une semaine, pour s’établir à 286,5 €/t. Le blé rendu La Pallice a augmenté du même montant, pour s’afficher à 295,5 €/t. En revanche, le blé Fob Rouen exprimé en dollars n’a quasi pas bougé depuis la semaine dernière (320 $/t) afin de maintenir sa compétitivité à l’exportation. Il y a peu d’éléments nouveaux d’un point de vue fondamental sur le marché du blé pour la campagne de 2022-2023. Les exportations de blé de l’Union européenne font toujours face à la concurrence des blés russes. La Russie a une nouvelle fois un programme d’exportations conséquent sur le mois de février, même si le mauvais temps hivernal freine l’activité portuaire (cela est habituel à cette période de l’année).

L’Algérie aurait contractualisé un achat de 350 000 à 390 000 tonnes de blé, dont une bonne partie serait d’origine russe. Les exportations françaises, bien qu’elles soient ralenties, ne sont pas faibles pour autant avec des chargements en cours vers l’Afrique de l’Ouest et le Maroc. Les blés allemands et baltes pâtissent beaucoup plus de la concurrence russe vers les pays tiers, c’est-à-dire hors de l’Union européenne (UE). Dans le même temps, les exportations de blé de l’Ukraine ont ralenti au mois de janvier, mais demeurent importantes vers l’Union européenne. Ces blés ukrainiens concurrencent les blés européens sur le marché intra-communautaire. Ils arrivent dans l’ouest de l’UE à des prix rendus inférieurs à ceux des blés roumains ou polonais.

D’ailleurs, le commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a proposé le 30 janvier 2023 de mobiliser la réserve de crise agricole de l’Union européenne (d’un montant de 450 M€) pour soutenir les agriculteurs des pays européens limitrophes de l’Ukraine. Cette mesure semble pour le moment avoir les faveurs des États membres. Enfin, l’Inde a annoncé vouloir prolonger l’interdiction d’exportations de ses blés pour garantir la sécurité alimentaire au sein du pays.

Les conditions de croissance des blés d’hiver sous surveillance

Si les blés d’hiver sont généralement dans de bonnes conditions en Europe pour la récolte de 2023, quelques points d’alerte commencent à faire leur apparition. Un déficit pluviométrique s’est installé en Europe de l’Ouest (France et Espagne notamment) et en Afrique du Nord. Si les pluies ne reviennent pas d’ici au mois de mars, le développement des cultures d’hiver et les semis de printemps pourraient en être affectés. En Russie, la baisse de récolte par rapport au record de 2022 se confirme, avec des dégâts hivernaux un peu plus conséquents qu’attendus, ainsi qu’un temps sec qui s’installe.

Les prix des orges françaises trouvent du soutien du côté de la demande chinoise

Après une baisse au cours de la semaine dernière, les prix de l’orge fourragère sur le marché français sont repartis à la hausse cette semaine pour terminer à un niveau rendu Rouen supérieur de 10 €/t à celui de vendredi dernier, à 271 €/t (base : juillet). Alors que les fondamentaux du marché n’ont pas évolué, la hausse des cours s’explique surtout par le retrait de l’euro face au dollar au milieu de la semaine. Les prix des orges françaises en dollar ont augmenté de manière plus modérée sur le marché mondial.

Le rythme soutenu des exportations françaises à destination de la Chine a contribué à la reprise des cours pour les origines françaises en dollar. Après un janvier marqué par le retour des acheteurs chinois, les chargements dans les ports français se sont multipliés depuis le début du mois de février, avec environ 100 000 tonnes enregistrées à destination de la Chine cette semaine.

Les prix français (en dollar) n’ont néanmoins augmenté que modérément, car le marché mondial reste toujours sous la pression des fortes disponibilités russes et australiennes. Les origines russes ont évolué à la baisse depuis vendredi dernier (–5 $/t, à 270 $/t Fob), tandis que les orges australiennes ont gagné quelques dollars (+4 $/t, à 282 $/t Fob) car elles sont très sollicitées à l’exportation. Ces deux origines restent toujours les plus compétitives sur le marché, soutenues par leurs offres respectives abondantes. La demande mondiale reste, quant à elle, toujours restreinte. On note toutefois un appel d’offre du Japon le 8 février pour l’achat de 40 000 tonnes d’orge, ainsi qu’un achat en orge australienne de la Thaïlande.

Sur le segment brassicole, les prix ont évolué en ordre dispersé cette semaine. Les prix brassicoles d’hiver ont suivi une tendance haussière (+2 €/t, à 272 €/t Fob Creil) tandis que ceux de printemps ont évolué à la baisse (–2 €/t, à 298 €/t Fob Creil).

Légère hausse des cours du colza

Cette semaine, les cours du colza en France se sont renchéris de 4 €/t, s’établissant ainsi à 539 €/t rendu Rouen et 550 €/t en Fob Moselle. La baisse de l’euro face au dollar a notamment permis de redonner de l’attractivité aux graines européennes à l’exportation, soutenant ainsi les prix du colza.

Par ailleurs, les prix de la graine ont été tirés à la hausse par les cours de l’huile de palme en raison d’une offre réduite. La production en Asie du Sud-Est est en net recul sur janvier, en lien avec un recul saisonnier des rendements. Cela a notamment engendré des stocks malaisiens à la fin de janvier au plus bas depuis cinq mois.

Les cours du colza ont aussi été soutenus par ceux du pétrole, dont les prix ont augmenté à la suite de l’important tremblement de terre ayant frappé la Turquie, perturbant le fonctionnement d’un terminal pétrolier. De plus, en réponse au plafonnement des prix du pétrole des pays occidentaux (dont l’Union européenne), la Russie a également annoncé son intention de réduire sa production de pétrole, apportant du soutien aux cours.

Toutefois, cette hausse du prix de la graine de colza a été tempérée par un mouvement de baisse des prix du canola canadien. Ces derniers ont régressé entre 3 et 8 $/t selon les échéances en raison d’une demande à l’exportation plutôt faible, due à son manque d’attractivité. Le recul des prix canadiens a aussi été conforté par la publication par Statcan des stocks de canola canadien à la fin de décembre 2022. Ces derniers sont en nette hausse – à 11,4 Mt – par rapport à ceux de l’an passé (8,8 Mt). Toutefois, ce niveau de stocks est plutôt faible d’un point de vue historique, et confirme que la récolte canadienne de 2022 a été plutôt décevante en termes de rendement.

Le cours du tourteau de soja poursuit sur sa lancée vers de nouveaux sommets

Le prix du tourteau de soja à Montoir a poursuivi sa progression au début de la semaine, pour ensuite perdre un peu de hauteur à la fin de la semaine. Le cours gagne finalement 11 €/t en sept jours, pour s’afficher à 605 €/t. C’est un niveau qui reste historiquement élevé pour la période, supérieur d’environ 50 % à la moyenne quinquennale.

La baisse de la production de soja en Argentine, par rapport à celle de l’année dernière, se confirme. Peu de précipitations sont attendues sur les prochains jours dans les principaux bassins de production, notamment à Buenos Aires, Cordoba et Santa Fe. Cela ne devrait pas permettre de compenser le déficit hydrique accumulé sur les derniers mois. De quoi affecter le rendement des cultures de soja, qui pourrait descendre à son niveau le plus bas depuis dix ans. Par ailleurs, les échos sur les retards de récolte au Brésil ont aussi contribué à soutenir les prix mondiaux au début de la semaine.

Dans l’Union européenne, l’offre de tourteaux de soja se montre toujours faible, les triturateurs préférant utiliser d’autres oléagineux dans leurs lignes de transformation. Cela se traduit par de faibles niveaux de volumes de soja importés par l’Union européenne. En conséquence, l’offre de tourteaux au sein des États membres est très limitée, ce qui contribue aussi à soutenir les prix du tourteau à Montoir.

La hausse des cotations du tourteau de soja sur le marché mondial cette semaine a été plus modérée qu’en France. En effet, elle a été limitée par le repli du prix de la fève de soja. Cette dernière s’est vue entraînée vers le bas par l’huile de soja et par un ralentissement des ventes hebdomadaires de soja américain au 2 février. L’origine US fait en effet face à une concurrence brésilienne féroce sur le marché mondial. Ainsi, le cours sur le CBOT (Bourse de Chicago) a gagné seulement 4 $/t, pour s’afficher à 546 $/t sur le rapproché. Le Fob argentin a lui progressé de 8 $/t, à 589,5 $/t.

À suivre : climat en Amérique du Sud (soja, maïs), conditions en Europe et mer Noire (céréales d’hiver et colza), exportations ukrainiennes, prix du pétrole, parité euro/dollar, demande en huiles des pays émergents, situation économique mondiale.