L’offre abondante en Russie et en Australie et le retour des pluies en Argentine ont enclenché une chute générale des cours cette semaine. La baisse des prix du colza est renforcée par le projet de l’Allemagne de limiter l’usage des biocarburants issus de produits agricoles.

Le recul des cours du blé se poursuit

Au cours de cette semaine, les prix du blé rendu Rouen ont perdu 7 €/t, pour atteindre 283,5 €/t. En dollar, le Fob Rouen s’est même contracté de 9 $/t, à 319 $/t, soit son plus bas niveau depuis le 11 février 2022. L’euro reste fort face au dollar par rapport à ces derniers mois et semble s’être stabilisé. La semaine a été marquée par un achat de 600 000 tonnes de blé meunier par l’Algérie. La très grande majorité de ce volume aurait été remportée par la Russie compte tenu des rapports de compétitivité (le blé russe à 12,5 % de protéines s’affiche à 306,5 $/t Fob), mais la France pourrait avoir tout de même décroché quelques tonnages.

Cette semaine, les prix ont été comprimés par les excellentes performances à l’exportation de la Russie. En effet, l’abondant volume exporté au cours de décembre avait surpris. Janvier 2023 semble jusqu’à présent suivre la même tendance, à la faveur de conditions climatiques propices.

Les prix russes ont reculé de 3 à 4 $/t cette semaine, alors même que Vladimir Poutine évoquait mardi dernier la possibilité de réguler les exportations de blé tendre de la Russie. Cette annonce n’a pas impacté le marché, car ce pays a une récolte si colossale que les stocks s’annoncent à des niveaux records. D’autre part, la Russie a besoin de revenus pour financer sa guerre en Ukraine. De plus, l’Ukraine souhaiterait que l’acier fasse partie des matières premières autorisées à l’exportation via le corridor négocié avec la Russie, la Turquie et les Nations unies. Si l’Ukraine parvenait à obtenir l’autorisation d’exporter de l’acier, cela pourrait concurrencer les exportations de grains.

Cette semaine les chargements de blé sont dynamiques dans les ports français, notamment vers le Maroc, l’Algérie, l’Afrique subsaharienne et la Chine. Ce bon rythme ne parvient pas à stopper la baisse des cours français, tant les fondamentaux au niveau mondial sont lourds.

La baisse des prix du maïs continue

Ce vendredi, le maïs Fob Bordeaux s’affichait à 279 €/t (base juillet), soit une baisse de 5 €/t sur une semaine. Le maïs Fob Rhin enregistre, quant à lui, une baisse de 6 €/t et s’affiche à 274 €/t (base juillet). Les prix du maïs français sont sous la pression des prix internationaux des céréales et du renforcement de l’euro face au dollar. Les fortes disponibilités en blé de la Russie et de l’Australie restent un élément baissier majeur, couplé avec une demande en berne de maïs pour le secteur animal. Par ailleurs, le rythme d’exportation du Brésil continue sur sa lancée des derniers mois. Le pays a exporté plus de 19,3 millions de tonnes entre le 1er octobre et le 31 décembre 2022, un niveau record.

Si la deuxième récolte brésilienne se confirme à un niveau élevé l’été prochain, alors les exportations continueront sur un rythme très soutenu. Néanmoins, les disponibilités en maïs sud-américains seront limitées par la production de maïs en Argentine. En effet, le pays fait face à une sécheresse historique qui pénalise fortement sa production de maïs. Toutefois, des pluies sont attendues ces prochains jours, ce qui devrait améliorer les conditions de croissance des maïs tardifs en cours d’implantation.

La demande chinoise est un autre élément important de cette campagne. Les importations de maïs de la Chine ralentissent actuellement par rapport à l’an dernier. Une baisse de 35 % des importations a été observée en décembre 2022 par rapport à décembre 2021 à cause d’une faible consommation animale. Il n’est pas à exclure que la demande reparte dans les prochains mois, une fois le pays sorti du ralentissement économique actuel, engendré par l’explosion des cas de contamination au Covid-19.

Le colza chute

Les prix du colza en France reculent de plus de 30 €/t en une semaine. Ils chutent notamment de 31 €/t en rendu Rouen (à 531,50 €/t) et de 34 €/t en Fob Moselle (à 542,50 €/t). En effet, l’offre abondante disponible dans l’Union européenne mais aussi la perspective de réduction de la demande allemande en huile de colza ont fortement pénalisé les prix. D’une part, les importations se poursuivent à un rythme élevé. Les importations cumulées depuis le 1er juillet de colza ukrainien dépassaient 2,5 millions de tonnes au 15 janvier, soit une hausse de presque 1 million de tonnes par rapport à l’an dernier.

Les flux depuis l’Australie s’annoncent également records, avec un cumul de presque 1,4 million de tonnes de canola australien importé dans l’Union européenne (à 27), contre seulement 0,6 million de tonnes l’an dernier à la même époque. Les très bonnes conditions climatiques dans ce pays ont permis un bon développement des cultures. La production australienne devrait continuer à inonder le marché européen dans les prochains mois.

D’autre part, le gouvernement allemand a fait part cette semaine de sa volonté de réduire dès 2023 les utilisations de matières premières agricoles dans la production de biocarburant. Cela s’accompagne du souhait affiché de promouvoir l'utilisation des biocarburants à base de déchets issus de l’agro-industrie et d'huile de cuisson recyclée. Aucun plafond n’a été évoqué, mais cela rappelle la proposition faite en mai dernier par le BMUV (ministère allemand de l’Environnement) d’un plafond de 2,5 % pour les biocarburants issus de produits agricoles en 2023. Cette proposition engagera probablement un fort débat dans les prochains mois.

Enfin, l’arrivée de pluies longuement attendues en Argentine et dans le sud du Brésil atténue en partie les inquiétudes pour la production de soja dans ces régions. Le prix du soja a légèrement reculé cette semaine (–5 $/t sur le rapproché à Chicago), ce qui a participé au recul du colza en France.

Nouvelle progression du tourteau de soja

Sur le marché mondial, les prix des tourteaux de soja ont nettement décliné à la suite de l’annonce de pluies abondantes sur les trois prochaines semaines en Argentine. Ils ont reculé de 46 $/t à Chicago et de 27 $/t en Fob Argentine. Toutefois, les prix se sont maintenus à un niveau élevé en France. Ils ont même encore augmenté de 7 €/t cette semaine à Montoir-de-Bretagne, à 601 €/t. Les craintes de manque de disponibilités en tourteau de soja, dues à la sécheresse qui a duré plusieurs semaines en Argentine, ont en effet entraîné des achats de tourteau de soja sur le marché européen.

Les fabricants d’aliments ont cherché à assurer leur approvisionnement et ont pour cela fait appel à la marchandise locale. La production européenne de tourteau de soja n’est toutefois pas à la hauteur des achats en ce moment. En effet, les triturateurs favorisent le colza et le tournesol en raison de marges de trituration plus attractives. La chute des prix mondiaux devrait toutefois rapidement se reporter sur les prix dans l’Union européenne et en France.

À suivre : corridor maritime ukrainien, conditions météorologiques en Argentine (soja, maïs), exportations russes et ukrainiennes, croissance économique en Chine, évolution du taux change euro/dollar, cours du pétrole.