Après une tendance positive sur la seconde moitié de décembre 2022, les prix du blé et du maïs sont repartis à la baisse en ce début de janvier 2023. La concurrence russe et australienne, ainsi que l’effet négatif des crises sanitaires sur la demande, pèsent sur les prix (Covid-19 en Chine, grippe aviaire en Europe). Seul le tourteau tire son épingle du jeu, soutenu par le climat sec en Amérique du Sud.
Les prix du blé baissent sous l’influence d’une offre abondante
Après avoir monté fin décembre, les prix du blé ont diminué en ce début d’année. Sur une semaine, le blé rendu Rouen a perdu 7 €/t, à 300 €/t (base juillet, échéance mars 2023). Le blé rendu La Pallice a quant à lui perdu 4 €/t, à 310 €/t. Après les craintes de fin d’année concernant des dégâts que le gel et les températures négatives records auraient pu occasionner sur les blés d’hiver américains (US), le marché s’est ajusté à la baisse, influencé par différents facteurs baissiers.
D’une part, après un début de campagne dynamique, les exportations françaises semblent marquer le pas. La concurrence des blés russes est toujours au rendez-vous avec 4 à 4,5 millions de tonnes exportées en décembre selon les sources. À cela s’ajoute l’arrivée de la récolte australienne, très abondante : entre 36 et 40 millions de tonnes.
Début janvier, elle était avancée à 80 % environ et le disponible exportable australien s’annonce record. Enfin, en Europe, les blés étaient dans de bonnes conditions en ce début d’année. Il faut néanmoins être attentif à un éventuel coup de froid qui pourrait conduire à des dégâts sur des blés d’hiver bien souvent peu endurcis en raison des températures douces depuis la fin décembre.
Le contexte macroéconomique pèse toujours sur les perspectives de demande
Outre une offre abondante de blé en Russie et en Australie, la demande mondiale influence également à la baisse les prix actuellement. Les prix du pétrole se sont fortement rétractés en cette fin de semaine sur fond de crainte de voir l’explosion du nombre de cas de Covid-19 perturber l’économie chinoise.
En Europe, la grippe aviaire continue de peser fortement sur les élevages avec de nombreux abattages. La France est notamment touchée dans la région des Pays de la Loire. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les pertes de cheptels en Europe seraient 70 % supérieures à celles observées l’an dernier.
Par ailleurs, les craintes de voir l’inflation des denrées alimentaires influencer négativement la consommation sont toujours fortes, que ce soit dans les pays les plus avancés ou les économies émergentes.
Les prix du maïs évoluent également à la baisse
Tout comme ceux du blé, les prix du maïs ont baissé sur la semaine après une hausse en fin d’année. Ce vendredi 6 janvier 2023, le maïs Fob Bordeaux s’affichait à 291 €/t (base juillet), soit 7 €/t de moins en une semaine. Le maïs Fob Rhin a quant à lui baissé à 286 €/t.
Malgré l’important retard de la récolte de maïs en Ukraine (seulement 78 % récoltés fin décembre), le pays a exporté 2,6 millions de tonnes en décembre. Ce niveau est certes bien en deçà de celui de décembre 2021 (4,9 millions de tonnes), mais il reste néanmoins élevé au regard du contexte de conflit armé avec la Russie.
Les prix du maïs se voient aussi tirés vers le bas par la concurrence des blés russes et australiens dans le secteur animal. La demande en maïs est plutôt calme en ce moment, avec peu d’affaires conclues ces derniers temps.
Quelques facteurs haussiers sont néanmoins à prendre en considération pour le maïs. Les conditions de croissance sont toujours aussi mauvaises en Argentine. Quelques pluies sont tombées ces derniers jours, mais les indices de végétation sont toujours au plus bas et le déficit hydrique devrait se maintenir. Le sud du Brésil commence également à souffrir du manque de pluies avec des conséquences possibles sur le niveau de la première récolte. Rappelons néanmoins que la majeure partie de la production brésilienne est représentée par la deuxième récolte (cycle de mars à août).
Le colza baisse également
Depuis la mi-décembre, les prix du colza se sont renchéris, portés par les cours du soja, eux-mêmes soutenus par la sécheresse qui se prolonge en Argentine. Le colza a aussi subi l’influence haussière de l’huile de palme, à la suite de la décision du gouvernement indonésien de renforcer l’obligation d’incorporation du biodiesel d’huile de palme dans le diesel.
Cette dernière va passer de 30 à 35 % au 1er février. Cela devrait engendrer une consommation additionnelle d’huile de plus de 20 % en 2023 par le secteur du biodiesel indonésien par rapport à 2022. Les disponibilités exportables de l’Indonésie sur le marché mondial devraient donc reculer. Le prix de l’huile de palme rendue Rotterdam a progressé de 7 à 8 % depuis la mi-décembre.
Toutefois cette semaine, ce renchérissement des cours du colza s’est interrompu, et les prix ont légèrement diminué sur la fin de semaine (à 575 €/t rendu Rouen), sous la pression du pétrole. La flambée des cas de Covid-19 en Chine fait monter les inquiétudes sur le niveau de la demande chinoise en matières premières.
De plus, les fondamentaux en colza restent lourds : récolte record de colza au niveau mondial, fortes importations de l’Union européenne, notamment depuis l’Ukraine, et hauts niveaux d’emblavements pour la récolte 2023 dans l’Union européenne. De plus, les conditions climatiques sont pour le moment favorables au développement des colzas dans l’Union européenne.
Malgré ce léger fléchissement de fin de semaine, les prix du colza sont toujours supérieurs de 25 €/t au niveau de la mi-décembre. Cela découle de la dégradation des conditions des cultures de soja en Argentine et dans le sud du Brésil, à la suite de précipitations très inférieures à la normale. À court terme, les conditions climatiques en Amérique du Sud devraient continuer à influencer fortement les cours du colza.
Le tourteau de soja se stabilise
Cette semaine, les prix des tourteaux de soja à Montoir ont d’abord évolué en hausse, entre le 29 décembre et le 4 janvier, avant de chuter lourdement le 5 à la suite de la dégradation des perspectives de demande chinoise et européenne. Sur la semaine les prix sont donc stables, à 578 €/t départ Montoir.
Dans un premier temps, c’est le manque d’eau pour les sojas argentins et du sud du Brésil qui a soutenu les prix des tourteaux. Depuis la mi-décembre, moins de 50 % des précipitations habituelles ont arrosé la plupart des régions de production de l'Argentine, de l’Uruguay, et le Rio Grande do Sul (Brésil). Dans certaines zones du centre de l’Argentine, le cumul ne dépasse pas 25 % des pluies habituelles. Le 5 janvier, la bourse de Buenos Aires publiait son état des lieux des cultures : le taux de sojas en état bon à excellent a chuté de 10 points sur la semaine ! Il est désormais de 62 %, contre 87 % l’an dernier à la même date. Des pertes de surfaces semblent désormais inévitables.
Toutefois, la flambée des cas de Covid-19 en Chine et l’épidémie de grippe aviaire en Europe ont fait baisser les prix des tourteaux de soja en fin de semaine. Le tourteau à Montoir vaut maintenant 5 €/t de moins qu’à la mi-décembre. La demande est à la peine dans le secteur animal, ce qui pèse sur les prix. À moyen terme, toutefois, la fin de la politique zéro Covid en Chine devrait soutenir la consommation de viandes, et dynamiser les besoins en soja et tourteau de soja.
À suivre : conditions météorologiques en Amérique du Sud (soja, maïs), en Europe (céréales d’hiver, colza), exportations russes et ukrainiennes, évolution de la situation sanitaire en Chine, achats chinois de soja, évolution du change euro/dollar, cours du pétrole et contexte économique mondial (croissance, inflation).