L'audience au tribunal de La Rochelle (Charente-Maritime) a provoqué deux rassemblements ce 5 janvier 2023. D'un côté, des agriculteurs, peu nombreux, sont venus soutenir ceux dont la réserve de substitution à Cramchaban (Deux-Sèvres) a été vandalisée le 6 novembre 2021. Ce sont ces dégradations qui ont motivé la comparution de deux personnes identifiées pour ces actes. Seuls drapeaux visibles : ceux de la Coordination rurale.

Deux camps

De l'autre côté, au pied du tribunal, des troupes plus massives, portées par plusieurs associations et collectifs et la Confédération paysanne sont rassemblées.  Elles affichent leur soutien aux deux prévenus, à la cause des "anti-bassines" et, plus globalement, à la lutte contre le changement climatique et l'"agro-industrie".

Les tensions sont vives en Poitou-Charentes autour des réserves d'irrigation et de l'opposition qu'elles suscitent. Les CRS sont même plus nombreux que les manifestants agriculteurs. Ils filtrent les entrées dans le palais de justice et demandent à des opposants de retirer les signes ostentatoires de leurs convictions, comme ce manteau portant dans le dos la mention "écoterroriste".

Deux prévenus

Les deux inculpés sont deux jeunes hommes aux cheveux en dreadlocks, tous deux diplômés et aujourd'hui soigneurs animaliers. Ils sont poursuivis pour après avoir participé à la manifestation autour de la réserve alors en construction de Mauzé-sur-le-Mignon, en Deux-Sèvres, s'être rendus sur celle de Cramchaban en place depuis des années et en avoir découpé et brûlé la bâche qui assure son étanchéité. Coût pour les irrigants qui y sont raccordés : plus de 500 000 €.

Ces deux hommes ont refusé de parler aux gendarmes qui les ont identifiés à la suite d'une longue enquête – leurs défenseurs ont d'ailleurs ironisé sur les moyens mis en œuvre et qu'ils considèrent comme disproportionnés – notamment à partir de vidéos et photos diffusées sur les réseaux sociaux.

Ils refusent aussi de répondre au président du tribunal et choisissent plutôt de faire une déclaration. Ils y parlent d'accaparement de la ressource en eau "dans un contexte charnière pour la planète qui connaît une extinction de masse". Ils précisent : "Nous, en tant qu'êtres humains, nous ne sommes pas contre les agriculteurs, juste contre un système productiviste qui nous amène droit dans le mur."

Réquisitoire

Le procureur relève des paradoxes dans leur attitude. "Vous avez commis un acte de dégradation que vous revendiquez comme un acte de militantisme et vous demandez au tribunal de ne pas être punis pour ça. Vous nous demandez de créer la loi, (…) de décréter l'état d'urgence environnementale. Mais c'est le rôle du législateur."

Le magistrat rappelle aussi que quiconque a le droit de ne pas être d'accord avec les réserves, "mais cela ne vous autorise pas à commettre des dégradations ou des violences". Il réclame 5 mois de prison avec sursis pour l'un, 6 mois pour l'autre qui a refusé un prélèvement ADN. La décision du tribunal sera rendue le 2 mars prochain.