Poursuivre le combat en faveur de l’autonomie, notamment financière, des paysans, pour redonner du sens et de la reconnaissance au métier : voilà le cap fixé par le bureau national de la Confédération paysanne pour 2020. Et la montée de l’« agribashing », terme auquel la Confédération paysanne préfère celui d’« incompréhension » envers le monde paysan, ne changera pas leur ligne de conduite : « On ne va pas mettre un couvercle sur nos prises de position, a affirmé le porte-parole national, Nicolas Girod, lors de la conférence de rentrée du syndicat. On sera beaucoup plus dans une volonté d’échange avec tout le monde que dans un repli corporatiste, qui n’est pas dans notre ADN. »
Des retraites plus justes
Dans la feuille de route du syndicat, un sujet dicté par l’actualité reste la réforme des retraites, sur lequel il est mobilisé. « On n’est pas d’accord sur la retraite à points telle que proposée aujourd’hui, car elle reproduit les inégalités de la vie professionnelle, a expliqué Véronique Marchesseau, secrétaire générale. Ceux qui ont de faibles revenus, en particulier les femmes, auront une faible retraite. »
Le syndicat a aussi « des attentes fortes pour un niveau de retraite minimum pour tous les travailleurs, et une retraite plafond afin d’équilibrer les régimes ». D’autre part, même si la Confédération paysanne estime que le projet de réforme actuel prévoit une légère amélioration, « légère parce que 85 % du Smic, ça ne fait pas rêver grand monde quand même », elle estime que cela « ne doit pas se faire au détriment des acquis sociaux des autres professions ». Voilà pourquoi le syndicat a rejoint le mouvement social.
Ni autarcie, ni libre-échange
Autre sujet au menu de 2020 : la lutte contre les accords de libre-échange, avec le Ceta en première ligne. « Ils sont un encouragement à une agriculture mondialisée et industrialisée », critique Jean-François Périgné, trésorier, qui fustige le concept de « compétitivité », entraînant la « mise en concurrence des producteurs », la « baisse des prix » et un « moins-disant environnemental ».
Et même dans les cas où l’agriculture européenne est présentée comme gagnante, la Confédération paysanne s’oppose à ce type d’accord contraire au concept de souveraineté alimentaire. « On n’échange pas des biens alimentaires comme des bagnoles », résume Jean-François Périgné. « On ne prône pas l’autarcie, mais des échanges cohérents », explique Nicolas Girod. Par exemple des produits à haute valeur ajoutée…
Mais sans démesure non plus. « Cela a du sens d’exporter nos vins, nos fromages. Mais a-t-on besoin d’accords de libre-échange pour cela ? interroge celui qui est aussi producteur de lait à comté. Par exemple en comté, si les accords de libre-échange entraînent une hausse de la demande à l’exportation, est-ce qu’on va détricoter les cahiers des charges pour produire plus de volumes, et détruire la valeur qu’on a mis des années à créer ? »
Prix Pinocchio
Sur la création de valeur, mais surtout sa répartition, le syndicat entend continuer à dénoncer les « prédateurs de la valeur ». En marge du suivi sérieux, mais désabusé, de la loi EGAlim, il s’associe avec les Amis de la Terre pour organiser le « Prix Pinocchio », qui sera décerné, lors du Salon international de l’agriculture, à l’entreprise du secteur agroalimentaire qui aura recueilli le plus de votes sur internet. Les trois nominés dans cet anti-concours du greenwashing agricole sont Yara (soutenu par les Amis de la Terre), Bigard et Lactalis (soutenus par la Confédération paysanne)…
Ni agrobusiness, ni vegan
Enfin, la Confédération paysanne continuera à lutter contre l’industrialisation de l’agriculture. Mais attention : la lutte contre l’élevage « industriel » ne permet aucun rapprochement avec l’extrémisme abolitionniste. En un mot, elle « ne veut pas se laisser dicter l’avenir de l’élevage ni par l’agrobusiness, ni par les mouvements vegans ».