« C’est une situation historique », insiste Loïc Morel, le président du Sedima (Syndicat des distributeurs de matériels agricoles). Dans l’histoire récente du syndicat, c’est la première fois que les concessionnaires placent l’état des stocks en tête de leurs préoccupations lors de l’enquête de conjoncture semestrielle. « Habituellement, ils s’inquiètent des problèmes de recrutement, des prix des matériels et de la trésorerie des agriculteurs », précise Anne Fradier, la secrétaire générale du Sedima.
Au second semestre de 2023, la gestion des stocks est leur première préoccupation (20 %), devant la baisse des prises de commande (18 %), la trésorerie de la concession (12 %) et la hausse des taux d’intérêt (11 %). Le prix des matériels, qui est pourtant la première cause de frein à l’achat des agriculteurs, n’arrive qu’en sixième position (8 %).
Flambée des prix et des taux d’intérêt
Cette situation, Loïc Morel l’explique très simplement. « Après la crise sanitaire, les délais de livraison ont flambé, jusqu’à parfois atteindre 18 mois pour certains matériels. Afin d’éviter de revivre ces problèmes de livraison et pousser par les incitations à anticiper de la part des constructeurs, les concessionnaires ont augmenté leurs stocks, en particulier en tracteurs. Mais avec la baisse des ventes et la flambée du prix du matériel, notre trésorerie est durement impactée. » La situation est d’autant plus critique que, dans le même temps, les taux d’intérêt ont fortement progressé, augmentant d’autant le coût du matériel en stock.
Les opérations de morte-saison sont impactées
« Cette situation impacte toute la filière, des constructeurs jusqu’aux agriculteurs, prévient Loïc Morel. Les tractoristes vont sûrement baisser leur production car nous ne ferons pas avoir deux fois, avec des conséquences sur l’emploi. » Quant aux agriculteurs, ils risquent de voir les délais s’allonger de nouveau et les prix augmenter. Les matériels dits d’accompagnement (non automoteurs) sont concernés au premier chef. En effet, comme la trésorerie de la concession est anormalement mobilisée sur les stocks de tracteurs et d’automoteurs, elle n’est plus disponible pour les autres matériels.
« Cette chaîne vertueuse pour tous, avec les remises des opérations de morte-saison sur les matériels de fenaison, semis et travail du sol, va disparaître si la situation des stocks ne s’améliore pas, prévient Loi Morel. » Certains constructeurs ont adapté leurs offres de financement à destination de leurs distributeurs « mais ce n’est pas le cas pour toutes les marques, ce qui explique d’ailleurs en partie les contre-performances de certains dans notre enquête ISC (indice de satisfaction des concessionnaires) », précise Anne Fradier. Ces résultats ISC seront d’ailleurs dévoilés le 19 mars, lors du congrès Sedima Days. D’ici là, le syndicat n’envisage pas d’amélioration, avec des prises de commande en baisse pour la plupart des matériels, neufs et d’occasion.