« Les situations de carence en soufre sur colza sont trop fréquentes et les niveaux de perte de rendement sont trop élevés pour prendre le risque de faire des impasses », explique Luc Champolivier, chargé d’étude chez Terres Inovia. L’institut technique conseille ainsi de réaliser des apports de 75 kg/ha de SO3, de façon systématique. « Avec cette dose, qui couvre 40 % des besoins de la plante et 100 % des exportations de la culture, il n’y a pas de risque de dégradation de la qualité de la graine », poursuit-il.
Besoins printaniers
L’apport doit être réalisé au moment où l’absorption journalière de soufre est très élevée, c’est-à-dire dès le début de la montaison, avec le premier ou le deuxième passage d’azote. « À cette période, la minéralisation du soufre organique est encore trop lente pour satisfaire les besoins de la culture », précise l’expert. Il souligne que les apports sont inutiles à l’automne, car la quantité minéralisée durant cette saison est suffisante.
Quant aux produits organiques, le spécialiste note qu’il existe peu de travaux spécifiques concernant le soufre. L’institut a, cependant, évalué les quantités de SO3 disponibles d’un panel de produits en utilisant des coefficients d’équivalence. « La quantité de soufre réellement utilisable par la culture au printemps est variable en fonction de leur nature, mais elle est en général très faible », indique-t-il. À titre d’exemple, elle est de 7 kg/ha pour un fumier de bovin et de 3 kg/ha pour du lisier de porc déshydraté.
Au sujet de l’effet des apports organiques sur le long terme, l’institut ne dispose pas de références expérimentales sur le colza. « Toutefois, les parcelles avec des passages réguliers de produits organiques sont potentiellement moins exposées à la carence », constate l’expert. Compte tenu des risques qui sont malgré tout présents, l’institut préconise de maintenir les apports minéraux, à une dose réduite (environ 50 kg SO3/ha).
Vers des outils d’aide à la décision
Ces dernières années, le principal enjeu pour Terres Inovia était de faire en sorte qu’un maximum de surfaces reçoivent du soufre, pour éviter les carences. Un appel auquel ont répondu présents les agriculteurs (lire encadré). L’institut compte se pencher prochainement sur d’autres méthodes de raisonnement, moins sécuritaires. « D’autres organismes en France, mais surtout à l’étranger, ont mené des travaux avec des approches de type “grille de risque” en fonction du type de sol ou de la pluviométrie, par exemple », illustre Luc Champolivier. De nombreux facteurs, dont la capacité de minéralisation, influent en effet sur la quantité de soufre disponible (sous forme de SO42-) dans un sol.
Des tests et des indicateurs de carence sur plante sont également en cours de développement, mais encore pas ou très peu mis en œuvre en France. Le spécialiste souligne des difficultés à la mise en œuvre d’un tel outil pour l’oléagineux, du fait de la difficulté de trouver des feuilles de colza qui soient représentatives de l’état des cultures. H. Parisot