«Cette année, il y a une pullulation d’ampleur inédite des pucerons verts du pêcher sur le colza  », constate Emmanuel Bonnin, technicien filière chez Soufflet Agriculture, dans l’Yonne.

Le contexte climatique particulièrement doux cet automne a été propice à leur développement. Habituellement régulée chimiquement de manière à éviter la transmission des virus dont elle est vecteur, la population de pucerons verts s’est tellement développée que leur succion a provoqué des défoliations importantes, voire des pertes de pieds sur certains ronds. Ce sont principalement les beaux colzas qui ont été touchés, « peut-être parce qu’ils étaient bien en sève », suppose le technicien.

Il est difficile pour le moment d’estimer les surfaces impactées et les pertes de rendement qui pourraient en découler, mais les pucerons ont été observés dans plusieurs départements où ils ne sont habituellement pas présents (Yonne, Seine-et-Marne, Loiret, Eure-et-Loir…). « En cas d’hiver un peu rude, il est possible que les plantes affaiblies en pâtissent », indique Emmanuel Bonnin.

L’interdiction des néonicotinoïdes, très efficaces contre les pucerons, a en effet bouleversé la lutte contre le ravageur. Selon le technicien, un traitement à base de ces substances insecticides aurait limité les dommages, même positionné un peu tard. À ce jour, on ne peut déterminer si la population était porteuse de virus, mais les zones concernées pourraient être étendues car les pucerons, situés sous les feuilles, sont souvent passés inaperçus. Les symptômes caractéristiques apparaîtront seulement au printemps. Selon le type de virus (lire « À savoir », ci-dessous), les pertes de rendement peuvent aller jusqu’à 6 q/ha.

Levier variétal limité

En absence des néonicotinoïdes, il n’existe aucune solution chimique efficace en végétation pour lutter contre les pucerons verts du pêcher. Ces derniers ont en effet développé des résistances aux pyréthrinoïdes depuis 1997, et au pyrimicarbe depuis 2008.

Seul levier agronomique mobilisable pour lutter contre les viroses : l’utilisation de variétés de colza tolérantes, apparues sur le marché français en 2015. Attention, cependant, la résistance est partielle, elle ne couvre qu’un virus (TuYV) sur les trois existants. En outre, cette solution n’a aucun effet sur le phénomène de succion.

Terre Inovia a par ailleurs notifié le refus de demande de dérogation pour l’insecticide Teppeki. Le produit est en cours d’évaluation par l’Anses pour une demande d’autorisation de mise sur le marché, a priori l’année prochaine. Trop tard pour la campagne en cours.

Hélène Parisot