«Il y a vingt ans, je ne voulais pas de successeur », se souvient Jean-Bernard Michel. Quand il s’installe en 1981 avec son père, puis seul en EARL, en 1991, avec 25 vaches sur 63 ha, il le fait par l’amour de son métier. Mais, il n’en souhaite les contraintes à personne. Christopher, le fils de Nicole, son épouse, va le faire changer d’avis. En 2010, bac pro élevage en poche, il est prêt à s’installer sur une exploitation où Jean-Bernard a investi dans une stabulation de 42 logettes paillées en 1996, un bâtiment génisses de 40 places et une fumière couverte de 270 m² en 2000.
Pour accueillir son futur associé, Jean-Bernard entame sa conversion au bio en 1999 et augmente le troupeau. Sa première idée est de vendre du lait frais pasteurisé en bouteille. « Nous avions un débouché en grande distribution avant de démarrer », se rappelle Jean-Bernard. Mais le volume requis s’avère insuffisant pour dégager le surcroît de revenu espéré. Comme il n’est pas question de produire du munster, un créneau jugé saturé, Jean-Bernard et Nicole vont visiter, dans le nord de l’Alsace et dans les Ardennes, des élevages qui transforment leur lait en yaourt. « Nous avons goûté. Nous avons été fascinés », raconte le couple. Leur décision est prise d’autant plus vite que Mylène, la fille de Jean-Bernard, obtient elle aussi son bac pro.
La ferme dispose d’un bâtiment datant du XVIIIe siècle. Son rez-de-chaussée est aménagé et équipé en un atelier de transformation de 60 m². Le coût de l’opération : 150 000 €, dont 45 000 € d’aides régionales. De son côté, Mylène suit un stage dans une ferme-auberge qui transforme son lait. L’appui de l’association aux producteurs fermiers de munster lui permet de peaufiner et de maîtriser les recettes. Les premiers yaourts sont prêts fin 2010 et Christopher peut cesser d’être peseur à mi-temps au Contrôle laitier. En effet, les ventes dans cinq grandes surfaces démarrent en trombe. « Nous livrons du bio local, de qualité et à un prix compétitif », explique Jean-Bernard. Les pots de 125 g aux fruits de saison, quinze au total, ou leurs six variantes aromatisées, sont vendus 0,50 €/pièce à la ferme, 0,55 € dans les autres points de vente. Il y a un an, la plateforme de commande en ligne Appro Alsace donne le dernier coup de fouet. « Soixante-dix-sept cantines, cuisines centrales ou restaurants sont prêts à prendre nos yaourts, poursuit Mylène. Nous n’avons pas pu répondre à toutes les demandes ! »
Le litre valorisé à 3,50 € en yaourt
Christopher, appuyé par Jean-Bernard, se consacre entièrement aux vaches, qui reçoivent au maximum 4 kg de maïs grain concassé par jour durant l’hiver. Quatre jours par semaine, Mylène et Nicole conditionnent l’équivalent de 30 000 litres de lait. Jean-Bernard effectue, deux fois par semaine, des tournées jusqu’à Strasbourg et Mulhouse, pour livrer les collectivités. « Il s’agit de commandes entre 490 et 800 pots. Nous incitons ceux qui le peuvent à choisir des seaux de 3 ou 5 kg. Ce conditionnement est plus rapide à préparer et il contribue à réduire les déchets », indique-t-il. Fin 2015, les associés ont investi 30 000 € dans un nouvel utilitaire capable de charger 1,2 tonne. Ils envisagent de dépenser autant pour s’équiper d’une empoteuse plus performante que le modèle semi-automatique actuel. « La plus-value provient uniquement de la transformation », affirment-ils. En vente directe, chaque litre est valorisé 3,50 €, soit 1 € net. A contrario, les 180 000 litres livrés en laiterie ont été payés 460 €/1 000 l en 2015.
La vente sur l’exploitation gagne en ampleur. Les éleveurs se félicitent de s’être mis en cheville avec l’office de tourisme de la vallée. Celui-ci a organisé, l’été dernier, six visites de la Ferme Michel destinées à un jeune public. Mylène poste au moins une fois par semaine une information sur la page Facebook de la ferme. « Il y a des commentaires et des partages. C’est très positif », estime-t-elle. Les quatre éleveurs sont confiants pour continuer à évoluer régulièrement avec ce seul type de produit et transformer, à terme, 50 000 litres de lait.