Alexis Merlot et Antoine Roussel sont cousins, et aussi jumeaux de cœur. Du même âge, ils ont grandi sur la même ferme, suivi les mêmes études d’ingénieur à l’ISA de Lille, et choisi tous les deux de revenir en même temps sur l’exploitation familiale de Villers-sur-Authie, dans la Somme. « C’est lors d’un stage en Australie en 2008, que l’idée de monter un élevage de wagyu nous est venue, explique Alexis. Il s’agit de la race japonaise qui fournit le célèbre bœuf de Kobé. »
Il leur fallait développer une activité pour intégrer le Gaec qui comptait deux associés, le père d’Antoine, Benoît, et Régis, celui d’Alexis, aujourd’hui décédé. Les éleveurs ont fait venir d’Australie en 2009, leurs douze premiers embryons de wagyu congelés qu’ils ont transplantés sur des génisses prim’holsteins. Les associés du Gaec Merlot-Roussel ne sont pas autorisés à utiliser l’expression « bœuf de Kobé » réservée à la viande produite dans la préfecture de Kobé au Japon. C’est une race de petit gabarit à la viande persillée, extrêmement tendre.
Montée en puissance
Alexis et Antoine ont aussi fait le choix d’investir dans l’irrigation lorsqu’ils se sont installés, pour produire des jeunes carottes et des salsifis sous contrat pour Bonduelle et des pommes de terre pour McCain. Ils ne savaient pas que la fin des quotas leur donnerait la possibilité de doubler leur production de lait. « En tant que jeunes agriculteurs, nous avons bénéficié d’un contrat de production supplémentaire de 300 000 l chacun. Nous avons repris le troupeau et le contrat d’un voisin, précise Antoine Roussel. Résultat, notre production de lait va passer de 550 000 l en 2015-2016, à 900 000 en 2016-2017 et à 1,4 million en 2018-2019. »
La montée en puissance de l’élevage wagyu est plus lente, car tout est à faire, de la naissance des vaches à la commercialisation de la viande. Les premières transplantations ont donné quatre veaux, soit un taux de réussite d’un tiers, dans la moyenne pour ce type d’opération. Le Gaec a racheté 60 embryons en 2011, avec le même taux de réussite. Aujourd’hui, il dispose d’un troupeau de 45 animaux dont 16 vaches.
« Le persillé de la viande vient de la race, précise Alexis Merlot. La consommation de bière par les animaux fait partie de la légende ! En revanche, nous leur donnons de la levure pour faciliter l’ingestion. » Les veaux passent la première année en pâture sous la mère, puis ils sont engraissés à l’étable pour être vendus à l’âge de 36 à 40 mois. « Les bœufs mangent beaucoup, le double des charolais, 10 kg/j d’une ration sèche, indique Benoît Roussel. Ce qui explique qu’ils accumulent du gras dans les muscles. »
Démarcher les bouchers et les restaurateurs
L’objectif des associés est de monter à 50 mères pour obtenir 25 veaux mâles par an, soit deux bœufs à commercialiser par mois. Pour le moment, ils n’en ont vendu que trois. Les animaux sont abattus à Fruges (Pas-de-Calais) puis découpés et mis sous vide par un chevilleur privé. « Démarcher les restaurateurs et les bouchers nous a pris beaucoup de temps. C’est très intéressant de discuter avec eux, remarque Alexis Merlot. Ils touchent une clientèle de haut de gamme, prête à mettre 100 €/kg pour du rumsteck et jusqu’à 350 €/kg pour du filet ou une entrecôte. »
Les trois éleveurs peaufinent aussi leur communication, en répondant aux sollicitations de la presse régionale dont France 3.
Le Gaec commercialise un bœuf lorsque la totalité est précommandée. Les quartiers arrières sont plutôt vendus aux bouchers et restaurateurs et les avants, dont la viande reste excellente, aux particuliers en caissettes. « Nous allons faire un essai de vente sur internet, en testant les envois en packs isothermes », ajoute Antoine Roussel.
Investissement génétique
En moyenne, les associés valorisent leur viande wagyu, 6 000 € le bœuf, pour un coût alimentaire de 2 500 € et un investissement en génétique pour le moment très élevé. Ils estiment que la rentabilité est difficile à calculer tant que l’élevage n’a pas atteint sa vitesse de croisière. Mais ils sont fiers de leurs premières ventes.