Lucie Mésange et Maxime Bouysse-Mesnage se sont connus durant leur BPREA en 2016 : l’une s’inscrit dans une tradition familiale d’éleveurs laitiers, l’autre venait du domaine médico-social. Les deux trentenaires ont décidé de s’installer non pas ensemble, mais côte à côte, et s’entraident pour la vente directe de leurs produits bio.

Même si aucune obligation ne les lie formellement, ils ont compris leur intérêt mutuel d’une collaboration entre voisins. Quand l’un trouve un nouveau débouché, il le propose à l’autre. Ils optimisent aussi les livraisons en se les répartissant, chaque début de semaine, en fonction des commandes et du travail de chacun.

Un voisinage choisi

Les deux voisins ont construit leur modèle sur la vente en circuits les plus courts possible. Ils vendent ensemble, le vendredi après-midi, dans la ferme de Lucie, de 17 h 30 à 19 h. Ils s’organisent aussi ensemble pour les commandes, pour les livraisons à un magasin fermier et à la restauration scolaire dans un collège et une école d’une ville voisine. Une épicerie vrac, au Mans (Sarthe), a commencé avec les légumes de Maxime et vient d’intégrer certains des fromages de Lucie. Cette dernière est également présente dans plusieurs magasins Biocoop et dans un marché fermier.

« Je loue un hectare de terre au père de Lucie pour faire du maraîchage. Je suis originaire du Cantal et ma femme de Normandie. La Sarthe est finalement assez bien placée entre les deux familles », sourit Maxime, papa d’un petit garçon. Il cultive une quarantaine de légumes différents, une liste établie d’abord en fonction de ses goûts puis adaptée à la demande locale et, bien sûr, à la terre sablonneuse du bord du Loir.

De son côté, sur la ferme du Frêne, au Lude, Lucie transforme 50 000 litres sur les 140 000 qu’elle produit et envisage d’augmenter ce volume en installant une nouvelle cuve de 600 litres. Son atelier multiproduits lui permet de fabriquer des tommes de type montagne et des fromages à pâte pressée à la limite de la pâte molle (de type saint-nectaire), des yaourts et fromages blancs, des tartinables aromatisés et, depuis cette année, des tommettes aux herbes (ail des ours, graine de moutarde ou de nigelle). Elle construit sa gamme en fonction de la demande et du temps de travail : « J’ai arrêté les fromages frais car, dans notre zone, les gens pensent plutôt aux fromages de chèvre pour ces formats, et parce que ça demande aussi beaucoup de travail et de vaisselle. »

Travail collaboratif

Lucie a longtemps hésité à reprendre la ferme familiale, où elle représente la cinquième génération. Elle a d’abord fait des études d’horticulture et travaillé en jardinerie, avant de voyager en Australie puis en Nouvelle-Zélande afin de découvrir d’autres agricultures. « L’idée du fromage m’est venue en Nouvelle-Zélande, où il existe de vrais modèles alternatifs aux grandes exploitations. » Entre-temps, ses parents ont converti l’élevage en bio. Son projet prend forme : « Pour moi, le bio était une évidence, tout comme les circuits courts, pour être en contact avec mes clients. » De retour en France, en 2015, l’agricultrice se forme à la fabrication de tommes en Auvergne et de yaourts dans la Sarthe. À son installation, en 2018, elle a réduit la surface exploitée (72 ha au lieu de 100) et la taille du cheptel (de 45 à 26 vaches laitières) tout en intégrant des jersiaises. Et elle est passée en monotraite l’été dernier.

Projet d’association

« J’ai vu dans le Gaec où j’ai fait un stage qu’une structure avec des associés non issus de la même famille pouvait très bien fonctionner, pointe Lucie. Avec Maxime nous cherchons la meilleure organisation. Nous sommes encore en phase d’adaptation car notre modèle est en train d’évoluer. » Un potentiel associé vient, en effet, de changer d’avis.

Dans leur fonctionnement actuel, Maxime utilise le matériel de la ferme en échange d’heures d’aide sur l’exploitation laitière. Et il vient traire un week-end sur trois. Les deux structures emploient également, en temps partagé, la même salariée. « Elle était venue me remplacer durant mon congé de maternité et le maraîchage lui plaît aussi », explique l’éleveuse. Y. Boloh