Pourquoi estimez-vous que les prix de vente sont trop faibles ?

Surtout dans cette période Covid, on entend partout que « le produit fermier est intéressant car il n’est pas cher ». Non seulement cette idée est fausse, mais, en plus, elle dénigre le travail des producteurs ! Elle les empêche « psychologiquement » de fixer un juste prix rémunérateur pour leurs produits, en les poussant à s’aligner sur la concurrence des produits industriels.

Cependant, il ne faut pas se tromper d’objectif ! En circuit court, celui-ci est de créer plus de valeur qu’en circuit long. Le producteur ne pouvant pas jouer sur les volumes, son coût unitaire sera forcément plus élevé qu’un produit industriel. C’est l’implacable logique de volume/prix. Le circuit court ne peut pas concurrencer la capacité productive de l’agriculture conventionnelle.

Que faudrait-il mieux valoriser ?

Les producteurs comptent rarement le « risque commercial » qu’ils assument. Or, en vente directe, ils sont confrontés à des taux de pertes, des invendus, ou des défauts de paiement. J’estime que pour couvrir ces risques, il faut augmenter le coût de production de 20 %.

Le temps de travail est lui aussi sous-estimé. Autant il est à peu près pris en compte dans les étapes de production et de transformation, autant le temps de commercialisation est le grand oublié. Or il représente souvent un tiers du temps de travail. Tous ces coûts doivent être répercutés dans le prix de vente.

Ne court-on pas le risque d’être « trop cher » ?

Il faut plutôt se poser la question : Quelle est la qualité et l’intérêt de mon produit ? Si mon offre est basique et peu différenciée, je ne pourrais pas jouer sur le prix. Et il faut donc s’interroger sur l’intérêt économique de cette activité. Toutefois, si mon produit est original, reconnu et apprécié alors, dans ce cas, le prix devient secondaire. Je le vendrais parce que c’est le meilleur, et peu importe le prix.

Vous encouragez aussi les producteurs à créer de la valeur. Comment ?

Il reste beaucoup à inventer. Je pense que les producteurs devraient attacher de l’importance à davantage proposer des produits élaborés, prêts à manger. On m’objecte souvent le manque de temps, d’idées ou encore d’outils. C’est là où les collectivités auraient un rôle moteur à jouer, pour améliorer l’offre en circuits courts. Au-delà de l’approvisionnement des cantines, elles devraient financer et organiser des outils collectifs de transformation, de manière à créer de la valeur ajoutée sur les territoires et chez les producteurs.

Propos recueillis par S. Bergot