L’histoire

Vincent et son épouse avaient donné à bail à Étienne une parcelle de terre pour une durée de trente ans. Le bail avait été renouvelé le 1er novembre 2012 pour une durée de neuf ans. Par acte du 1er février 2016, les bailleurs avaient donné congé à Étienne pour le 31 octobre 2018 pour reprise sexennale au profit de leur petit-fils. Le congé mentionnait qu’une clause de reprise sexennale avait été introduite dans le bail renouvelé.

Le contentieux

Étienne avait contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Quelques semaines plus tard, Vincent avait sollicité du même tribunal l’insertion d’une clause de reprise sexennale dans le bail renouvelé. Par jugement du 28 octobre 2016, le tribunal l’avait ordonné.

La question posée par le litige était donc de savoir si la reprise pouvait être exercée, au vu de la clause de reprise sexennale insérée dans le bail renouvelé suite au jugement du tribunal paritaire. L’article L. 411-6 du code rural précise qu’au moment du renouvellement du bail, le preneur ne peut refuser l’introduction d’une clause de reprise à la fin de la sixième année suivant ce renouvellement.

Prudent et convaincu que le bail ne contenait aucune clause de reprise sexennale, Vincent avait donc obtenu du tribunal paritaire qu’il ordonne l’insertion d’une telle clause dans le bail renouvelé. Pour autant en l’état de cette clause, la reprise pouvait-elle être valablement exercée ?

« L'insertion de la clause avait été ordonnée par le tribunal »

Étienne, avait relu attentivement le bail. Il ne contenait aucune clause de reprise sexennale. La mention du congé relative à la clause de reprise sexennale insérée dans le bail était donc erronée et à la date de délivrance de l’acte, qui est celle à laquelle s’apprécient les mentions formelles du congé, le bail ne contenait pas une telle clause. La reprise n’était donc pas possible.

Mais pour les juges une tout autre analyse s’imposait. L’insertion d’une clause sexennale dans le bail, qui ne peut être refusée par le preneur, ne relève pas de la forme de cet acte mais de ses conditions de fond, de sorte que sa validité devait être appréciée à sa date d’effet, le 31 octobre 2018. Aussi, le congé devait-il être validé. Cette solution, a été censurée par la Haute juridiction, au visa de l’article L. 411- 47 du code rural. Selon ce texte, les mentions du congé mettant fin au bail doivent, à peine de nullité, informer complètement et loyalement son destinataire des motifs de la reprise. Les juges ne pouvaient donc valider la reprise.

L’épilogue

La cour de renvoi ne pourra que constater que la reprise pour le 31 octobre 2018 n’était pas possible, de sorte que le congé devra être annulé et le bail renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans, à compter du 1er novembre 2021. Tout au plus, Vincent et son épouse pourront-ils envisager de mettre en œuvre la clause de reprise sexennale, insérée dans le bail, et, cette fois, donner congé pour le 31 octobre 2027.